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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires
Annoncé dès la signature des protocoles le 10 Octobre dernier par les opposants, les détracteurs tout comme les favorables du génocide arménien ont beau jeu de mettre en avant le processus de normalisation en cours entre l'Arménie et la Turquie. Ce qui explique en partie le faible écart de voix au moment du vote (23 - 22), et cela risque fort de continuer.
La Turquie ne compte pas en rester là et va poursuivre son lobbying auprès des dirigeants américains. Il est à prévoir qu'elle n'aura pas à forcer son talent vue que l'administration américaine semble acquise à sa cause. Les derniers propos d'Obama et d'Hillary Clinton en sont la preuve.
Le premier ministre Recep Tayyip Erdogan, ne voulant pas paraître en reste par rapport à ses coreligionnaires Gül et Davutoglu, a qualifié le vote sur la Résolution de la Commission du Congrès de ‘parodie'. C'est dire en quelle estime il tient les élus américains.
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* Ahmet Davutoğlu
Le ministre turc des Affaires étrangères a exigé vendredi une position claire des Etats-Unis sur le processus de normalisation turco-arménien suite à l'approbation de la Résolution sur le génocide arménien par la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants américain.
"Nous ne voulons pas passer par cette crise à chaque printemps," a déclaré le ministre Ahmet Davutoğlu lors d'.une conférence de presse vendredi. "C'est pourquoi nous avons débuté la normalisation des relations avec l'Arménie. Nous avons pensé que cela commencera à régler les problèmes, et nous ne nous attendions vraiment pas à ce genre de réaction."
"La Turquie a été incommodée que l'administration américaine n'ait pas montré sa force sur ce sujet. Nous attendons d'elle qu'elle accroisse un peu plus ses efforts. Nous ne céderons pas aux pressions de cette décision. Ce n'est pas aux autres parlements de juger notre histoire. La Turquie est capable de faire face seule à ces problèmes. C'est une question d'honneur national," a-t-il ajouté.
Davutoğlu a indiqué que l'objectif de la Turquie était d'améliorer les relations avec l'Arménie et de normaliser les relations entre les Turcs et les Arméniens. Elle a besoin d'aide pour la création une région stable avec une vision à long terme pacifique du Caucase.
"Je sais qu'Obama a une vision pacifique. Nous attendons également de lui qu'il ne continue pas ou n'en rajoute pas à cette crise, en avril. La question pour l'Amérique est simple : ‘Avez-vous pensé ou pris pas en compte le processus de paix entre la Turquie et l'Arménie ? Sinon, ne venez pas nous dire ensuite d'harmoniser nos politiques en conséquence," a précisé Davutoğlu ; rapporte le quotidien Hürriyet.
* Abdullah Gül
"Je considère la décision déraisonnable. C'est un manque de respect envers la nation turque. La Résolution adoptée est loin des réalités historiques et est incompatible avec les relations Arméno-Turques. La décision va porter gravement atteinte à la stabilité et la paix dans le Caucase, ainsi que sur les efforts des nations pour établir de bonnes relations de voisinage à long terme. Je vois dans cette décision, un geste politique, comme une injustice de l'histoire. Suite à ce vote, la Turquie ne sera pas tenue responsable des conséquences négatives dans tous les domaines," a déclaré le chef de l'Etat turc, Abdullah Gül.
* Bakou
"L'Etat azerbaïdjanais condamne catégoriquement l'adoption de la Résolution reconnaissant le génocide arménien par la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants américaine. Une telle démarche par le Congrès américain est erronée et injuste," a déclaré aux journalistes le Chef du Département sociopolitique du Cabinet présidentiel, Ali Hassanov.
"J'attire l'attention que cette décision est unilatérale, injuste, pro-arménienne et antiturc dans l'esprit. Nous croyons que cette décision n'a pas une forte corrélation avec les intérêts des États-Unis et le peuple américain, et nuit gravement à l'image internationale de ce pays," a-t-il souligné.
"L'Azerbaïdjan compte rappeler son ambassadeur à Washington, suite au vote de la Commission," a déclaré de son côté le Vice-président du groupe parlementaire pro-gouvernemental Ana Vatan (Mère Patrie), Zahid Oruj.
"L'histoire a montré que l'Azerbaïdjan a toujours pris la décision la plus correcte et opportune dans un état émotionnel. Je considère donc qu'il est nécessaire de rappeler notre ambassadeur à Washington ‘pour consultations', a-t-il déclaré à la session plénière du parlement (Milli Mejlis) vendredi.
"Les Etats-Unis n'ont pas désigné de nouvel ambassadeur en Azerbaïdjan depuis six mois. Ce fait prouve une attitude peu amicale de Washington envers notre pays. L'absence d'ambassadeur américain a de nombreuses explications, à la fois politiques et poursuivant des plans visant à imposer des pressions sur notre pays. Ceci est également lié au fait que les États-Unis travaillent dans le sens de l'ouverture de la frontière arméno-turque," a ajouté un autre député, Gudrat Hassanquliev.
* Hillary Clinton
"L'administration Obama estime que le passage de la résolution sur le génocide arménien était inopportune, et nous l'avons fait clairement savoir à toutes les parties concernées," a déclaré jeudi la Secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, en répondant à une question sur la discussion en cours sur la Résolution H.RES.252.
Un journaliste a demandé : "Avant d'entrer dans l'administration, tous les deux, vous et le président Obama, avez soutenu la campagne qualifiant les massacres de 1915 de ‘génocide'. Ces derniers jours, vous deux avez lancé des appels directs à Howard Berman, le président de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants l'appelant à voter contre le projet de Résolution. Pourriez-vous expliquer pourquoi vous et le président avez fait volteface sur cette question ?"
Réponse de Mme Clinton : "Eh bien, je pense que les circonstances ont changé de façon très significative. Quand le président Obama a pris ses fonctions et que je suis devenue Secrétaire d'Etat, nous avons lancé le processus mis en place par la Suisse pour amener les gouvernements turc et arménien à se rapprocher, c'est une noble tâche que nous avons l'intention de la soutenir, et nous le faisons. Personnellement, je suis allée à Zurich pour la signature des protocoles de normalisation des relations entre les deux pays. Nous pensons que c'est la façon la plus appropriée pour régler les problèmes qui persistent sur la voie de la normalisation entre les deux pays. Je ne pense pas que ce soit à un autre pays de déterminer comment deux pays doivent résoudre leurs problèmes, dans la mesure où les actions des États-Unis sont susceptibles de perturber ce processus."
"Par conséquent, le président Obama et moi-même avons été clairs à ce sujet, tant l'an dernier que cette année, et que nous ne croyons pas que la démarche du Congrès soit opportune et nous y sommes opposés. Nous ne pensons pas que le Congrès dans son intégralité doive intervenir sur cette Résolution, et nous en l'avons fait savoir à toutes les parties concernées" ; rapporte le quotidien Hürriyet.
* Armen Rustamian
"Ce qui est arrivé hier lors du débat en Commission des Affaires étrangères, a été une guerre des lobbies, qui a montré les dangers que représentent les protocoles arméno-turcs," a déclaré le leader de la FRA-Arménie et membre du Bureau du Dachnaktsoutioun, le député Armen Rustamian lors d'une conférence de presse aujourd'hui. Il a rappelé les discours des membres du Congrès opposés à ce projet de loi, disant qu'ils ne voulaient pas faire obstacle à la normalisation des relations arméno-turques.
Le député n'a pas exclu que la méthode ‘financement' est venu compléter la méthode ‘persuasion' dans la guerre des lobbies, et là, les opportunités de l'Arménie et la Turquie ne sont pas comparables.
Un autre fait intéressant est lié au vote. Au moment décisif, où le vote allait avoir lieu, le lobby arménien a fait de gros efforts pour s'assurer les voix nécessaires des quatre derniers membres du Congrès, a indiqué Rustamian.
Un autre combat similaire est prévu le 11 Mars au parlement suédois. Les sociaux-démocrates vont représenter le projet de loi sur le génocide arménien.
"Nous ne sommes pas en train de négocier que maintenant avec le parti suédois. Nous avons déjà eu des réunions préliminaires. J'ai personnellement rencontré leur représentant à Prague. Le Parti social-démocrate doit prendre une décision concernant l'adoption du projet de loi condamnant le génocide arménien et qu'ils étaient intéressés par certains détails. Nous leur avons fourni les matériaux nécessaires. Aussi, nous suivons attentivement le processus, et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour faire passer le projet. Un combat identique est attendu là-bas. Les Turcs ont aussi leurs moyens de pression là, et le même combat se déplacera au parlement suédois dans quelques jours", a souligné Rustamian.