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Traduction Gérard Merdjanian – commentaires
La Turquie ne fera rien avant le 24 Avril, avant de voir Obama éviter de prononcer le mot génocide. Chose qu'il fera très probablement pour éviter de ‘plomber' le processus de normalisation arméno-turc, mis en place par lui.
Reste que pour l'équipe d'Erdogan, cela n'est qu'une étape supplémentaire pour la non-ratification. Les dirigeants turcs, quels qu'ils soient, ne jurent que par la résolution du conflit du Karabakh. A croire que les intérêts de l'Azerbaïdjan prime sur les leurs.
En fait c'est bien les intérêts de la Turquie qui priment. Ankara n'a que faire de l'Arménie, ni sur le plan économique, ni sur le plan géostratégique, et encore moins sur le plan moral. Tout au plus comme faire-valoir de sa politique d'ouverture. Il n'y aurait pas Washington, que tout serait déjà de l'histoire ancienne.
Devoir regarder son passé, répondre de ses activités contre les minorités non-musulmanes, montrer ce qu'elle a fait et ce qu'elle fait des monuments chrétiens, est insupportable pour les successeurs de l'empire ottoman. Et si de plus avec l'ouverture de la frontière, l'Anatolie de l'Est sortait de son statut volontairement sous-développé, c'est le problème kurde qui resurgirait.
Question : Comment accorder tout cela ? Simplement en faisant croire aux Occidentaux que l'on veut aller jusqu'au bout du processus de normalisation des relations avec l'Arménie. Et les Occidentaux d'y croire.
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Le Bureau du président a précisé que l'appel téléphonique de la Secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, concernait une invitation à un sommet international sur la sécurité nucléaire qui se tiendra à Washington à la mi-avril. De plus, elle a exprimé l'espoir que les deux parties, arménienne et turque, vont saisir l'occasion de "poursuivre l'examen de questions inscrites sur l'agenda bilatéral, régional et international." Le communiqué n'a pas donné plus de détails.
L'appel téléphonique est arrivé le lendemain des propos de Sarkissian mettant en garde la Turquie que si elle ne comptait pas bientôt normaliser les relations avec l'Arménie sans conditions, il annulerait les protocoles signés par les deux nations en Octobre, sous l'égide des Etats-Unis. Hillary Clinton avait téléphoné à Sarkissian en Décembre dernier, à peine quelques heures après qu'il ait proféré le même type de menace.
La conférence de Washington, auquel le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a l'intention d'assister, se déroulera quelques jour avant le 24 Avril, jour de commémoration des 1,5 millions d'Arméniens massacrés dans l'Empire ottoman en 1915-1918. Le jour du Souvenir est désormais considéré par certains observateurs comme la nouvelle date limite officieuse fixée par Erevan pour la ratification par Ankara des deux protocoles.
Un des Vice-présidents du parti Justice et Développement (AKP) de M. Erdogan a rejeté toutes ces ‘échéances artificielles' fixées par les dirigeants arméniens et a réaffirmé que le parlement turc ne ratifiera pas les protocoles sans nouveaux progrès dans les négociations arméno-azéries sur le Haut-Karabakh.
"En Avril, sauf si il y a des progrès concernant le Karabakh, [les protocoles] ne seront pas adopté par le Parlement turc," a déclaré Suat Kiniklioglu, lors du séminaire international de l'Assemblée Parlementaire de l'OTAN qui vient de se tenir à Erevan. "La frontière [turco-arménienne] est fermée depuis 17 ans. Je pense que nous pouvons attendre encore une autre année, si cela peut conduire à trouver une solution au problème."
Kiniklioglu a également déclaré qu'Ankara n'insistera pas sur une résolution globale du conflit du Karabakh. "Nous ne parlons pas du retrait des troupes arméniennes des sept districts [azéris] ou de quelque chose d'analogue. Nous parlons d'une feuille de route précisant clairement avec des garanties internationales la façon dont le processus doit se dérouler."
Les dirigeants arméniens ont à maintes reprises rejetées tout lien entre les deux processus : normalisation des relations arméno-turques et négociations de paix arméno-azéries sur le Karabakh.
* Réaction de la FRA
"C'est un autre piège. Un piège récurrent en vue du 24 Avril pour aider Obama à éviter la responsabilité de prononcer le mot ‘génocide'," a déclaré le représentant du Bureau de la FRA-Dachnaktsoutioun, Vahan Hovhannissian, lors d'une conférence de presse aujourd'hui.
S'exprimant sur le projet de loi sur le génocide arménien adoptée par la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Représentants, il a indiqué qu'il se félicitait que cette fois, l'Arménie avait envoyé une délégation pour soutenir les efforts des Américano-Arméniens.
* Analyse du turcologue
"Il est évident que la Turquie et les États-Unis sont en cours de négociation," a déclaré le directeur de l'Institut des Etudes Orientales de l'Académie Nationale des Sciences d'Arménie, le turcologue Ruben Safrsatian, lors d'une conférence de presse aujourd'hui.
"Les déclarations des dirigeants turcs sont la preuve que la Turquie est en pleine négociation avec les Etats-Unis, et il n'est pas exclu que cette négociation puisse se terminer sur un échec, entraînant ainsi la suspension de la ratification des protocoles à l'initiative d'Ankara. Dans ces conditions il serait assez logique que l'Arménie se retirasse du processus de ratification."