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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires
Les tergiversations d'Ankara concernant la ratification des protocoles arméno-turcs finiront-elles par agacer l'administration américaine ?
Alors qu'il y a à peine quelques jours aucun dirigeant turc ne devait se rendre aux Etats-Unis avant le 24 Avril, voici qu'Erdogan et son ambassadeur à Washington, Namik Tan, s'y rendent et ce avant le discours traditionnel d'Obama prévu ce jour-là.
De la bonne volonté d'Erdogan sur la ratification des protocoles par la Turquie, devrait dépendre le discours d'Obama. Mais les turcs sont suffisamment diplomates pour faire croire à l'administration et aux élus américains qu'ils comptent mener le processus de normalisation avec l'Arménie à son terme.
Sachant qu'Ankara ne fera rien avant une percée dans le conflit du Karabakh, percée bien sûr favorable à l'Azerbaïdjan, la question est de savoir combien de temps Washington va supporter cette situation ?
Les intérêts des Etats-Unis priment sur tout, et la realpolitik sur la vérité historique. Aussi, il n'y a pas grand-chose à attendre avant le 24 avril des dirigeants américains, ni même après d'ailleurs (adoption du H.Res.252). Sauf si ...
Profitant de ces rencontres, il serait peut-être temps pour le président Sarkissian de mettre un timing précis à la notion élastique de ‘délai raisonnable'.
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* Sait Çetin et Temel Demirer
Les intellectuels turcs et arméniens se réuniront à Ankara les 24 et 25 avril pour discuter des événements de 1915 et tenter d'améliorer le dialogue entre les deux pays, lors d'une rencontre organisée par Initiative de la Liberté de pensée d'Ankara.
"Nous pensons que le problème entre les deux nations ne sera résolu que par le dialogue," a déclaré Sait Çetin, écrivain et militant des droits de l'homme, et l'un des organisateurs du Forum, au quotidien Hürriyet Nouvelles & Revue Économique.
"Les questions qui nous concernent au premier chef sont en cours de discussion dans les capitales du monde, car nous ne parvenons pas à en parler [entre nous]. La sincérité de l'Occident est discutable, et la Turquie a une attitude de déni," a ajouté Çetin.
Les participants au forum parleront des événements qui ont conduit aux massacres de 1915, ainsi que leurs implications politiques. Les sujets de discussion porteront sur : ‘La question arménienne dans une perspective historique' ; ‘du Comité Union et Progrès au kémalisme – le déni idéologique officiel et de la fin de la question' ; ‘La turquification du capital' ; et ‘Le problème arménien : comment le gérer ?'.
Le scénariste Temel Demirer a souligné l'importance d'un tel dialogue afin d'assurer un avenir plus pacifique, en disant que l'idéologie officielle en Turquie a essayé de couvrir l'histoire jusqu'à présent. "Nous, en tant qu'intellectuels turcs, voulons faire face à la vérité," a—t-il déclaré à Hürriyet.
* Bedros Şirinoğlu
Irrité par l'échec du dialogue turco-arménien à souligner les souffrances de 1915 lors d'une récente réunion avec le Premier ministre, les membres de la communauté arménienne ont demandé le leadership ‘civil' au sein de la communauté, à travers une pétition en ligne.
La fracture intra-communautaire résulte de la réunion entre Bedros Şirinoğlu, président de la Fondation de l'Hôpital arménien Sainte Croix de Yedikule, et le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan en date du 26 Mars à Ankara.
Durant leur conversation, Şirinoğlu, qui est aussi un éminent homme d'affaires, a décrit les événements de 1915 comme "une lutte entre deux frères," en déclarant que "les Arméniens de Turquie n'ont aucun problème."
Furieux de ces remarques, certains membres de la communauté arménienne ont lancé une campagne de pétition en ligne sur le site ‘bizbaskabirturkiyedeyasiyoruz.blogspot.com', un nom de domaine qui signifie : ‘Nous vivons dans une autre Turquie." La pétition a été signée par 378 personnes, que le quotidien Hürriyet Nouvelles & Revue Économique publiera jeudi.
S'adressant au quotidien, Şirinoğlu a déclaré qu'il était profondément désolé du problème. "Je ne nie pas que c'était chose de connu, mais l'appeler ‘génocide' ne fait de bien à personne."
Rakel Dink, la veuve du journaliste turco-arménien assassiné Hrant Dink, et d'autres membres de la famille Dink sont parmi ceux qui ont signé la pétition en ligne. Les signataires voient ce geste comme une première étape sur la voie de la "civilisation" de la communauté.
Pakrad Öztukian, le rédacteur en chef de l'hebdomadaire Agos, le journal de Hrant Dink, est également parmi les signataires. "C'est la réaction des Arméniens, une position confessionnelle et une première étape sur la voie de la civilisation," a-t-il déclaré au quotidien.
* Recep Tayyip Erdogan
La Turquie a annoncé vendredi le retour de son ambassadeur à Washington, un mois après qu'il ait été rappelé pour protester contre le vote de la Commission du Congrès américain qualifiant de génocide les massacres des Arméniens lors de la Première Guerre mondiale en Turquie.
Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a également confirmé qu'il assisterait au Sommet international sur la Sécurité nucléaire à Washington organisé par le président Barack Obama, les 12 et 13 avril prochains ; rapporte Reuters.
* Garen Beckarian
"La probabilité de la ratification des protocoles arméno-turcs s'est réduite, mais n'a pas encore atteint le niveau zéro," a déclaré le Président de l'ONG Intégration Européenne, Garen Beckarian, lors d'une conférence de presse. A noter que ses prédictions sur la ratification des protocoles en Février-Mars ne se sont pas réalisées.
Peut-il y avoir un changement dans les relations arméno-turques en 10 jours ? Certains analystes estiment que la réunion Sarkissian-Obama-Erdogan à Washington pourrait relancer le processus. Les moins optimistes, disent que c'est inutile de continuer le processus, vu que la Turquie montre à l'évidence qu'elle n'a pas l'intention de ratifier les protocoles.
La déclaration d'Erdogan au sujet de l'expulsion des Arméniens de Turquie a créé une atmosphère négative dans le processus. Selon Beckarian, c'était un appel raciste, et en réponse à celui du ministère arménien des Affaires étrangères qui avait incité ses concitoyens à s'abstenir de visiter la Turquie.
Garen Beckarian n'est pas sûr qu'il existe un document de Madrid mis à jour. N'écartant pas la possibilité d'une reprise de la guerre, il attache une grande importance à la participation du Haut-Karabakh dans les pourparlers.
* Kiro Manoyan
"Les présidents arménien, américain ainsi le Premier ministre turc sont susceptibles de se rencontrer à Washington d'ici une dizaine de jours," a déclaré Kiro Manoyan le directeur du Bureau Hay Tad et des Affaires politiques de la Fédération Révolutionnaire Arménienne (FRA-Dachnaktsoutioun), lors d'une conférence de presse.
"Ce n'est qu'un avis, mais cette invitation tardive rentre dans le but poursuivi par Obama.
Erdogan sait que son refus de prendre part au prochain Sommet sur la Sécurité nucléaire entrainera plus de pression sur la Turquie. Aussi, il se rendra aux États-Unis pour tenter d'empêcher la reconnaissance du génocide arménien par le président Obama.
Les Etats-Unis s'intéressent à la normalisation des relations arméno-turques. Avec la ratification des protocoles, il permet d'alléger la charge de la sentence arbitrale de Woodrow Wilson," a-t-il précisé.
En ce qui concerne le règlement du conflit du Haut-Karabakh, Kiro Manoyan ne s'attend pas à voir des progrès. "La guerre est possible dans deux cas : si l'Azerbaïdjan est convaincu de sa victoire ou si la Turquie sacrifie les intérêts de l'Azerbaïdjan pour se réconcilier avec l'Arménie. Par conséquent, la ratification des protocoles peut entrainer la possibilité d'une nouvelle guerre au Karabakh," a-t-il conclu.
* Hraïr Garabedian
"Le danger d'une reprise des actions militaires existera toujours tant qu'un traité de paix final ne sera pas signé," a déclaré Hraïr Garabedian, le président de la Commission permanente de la Défense, de la Sécurité nationale et des Affaires intérieures de l'Assemblée nationale, lors d'une conférence de presse.
Hraïr Garabedian a indiqué cependant, qu'il est inacceptable pour des non spécialistes comme des historiens ou des politologues, de déclarer dans quelle mesure une nouvelle guerre est susceptible de se produire en se basant uniquement sur des points de vue politiques et/ou militaires, car ils ignorent complètement le contenu [précis] du processus.
"Si une guerre avec l'Azerbaïdjan devait éclater aujourd'hui, la partie arménienne sera sûrement victorieuse, avec cette fois une victoire plus importante - l'Arménie cessera d'être un pays sans littoral, et l'Azerbaïdjan perdra sa souveraineté", a déclaré Hraïr Garabedian.
Radio Publique d'Arménie