Obama ne changera rien à son message du 24 Avril

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Traduction Gérard Merdjanian – commentaires

Vision sans complaisances des rapports de la Turquie avec l'Arménie. Le discours d'Obama peut effectivement avoir des effets néfastes sur la Turquie mais surtout sur l'Azerbaïdjan.

Bakou est totalement contre la normalisation des relations turco-arméniennes, malgré le discours comme quoi chaque pays a le droit de vivre, ou pas, en bonne intelligence avec ses voisins. Son allié, et grand frère turc, soutien sa cause depuis la création de l'URSS et plus particulièrement depuis la guerre du Karabakh, en fermant sa frontière avec l'Arménie et lui imposant un blocus économique.

Si les Etats-Unis reconnaissent le génocide arménien, c'est qu'ils auront pris fait et cause pour les Arméniens et donc que le groupe de Minsk de l'OSCE ne plus jouer les médiateurs. Par conséquent, plus rien ne retiendra les dirigeants azéris de se libérer de cette contrainte en tentant de résoudre militairement le conflit du Karabakh. De plus, Ankara après la gifle qu'elle aura reçue se fera un plaisir de durcir sa position et garder une ‘neutralité très bienveillante' envers Bakou. Elle sera même capable d'amasser des troupes à la frontière pour intimider l'Arménie ; voire l'envahir comme elle a failli le faire en 1994. Alors adieu le rêve européen, dont elle n'a que faire depuis quelques temps.

Il y a un ‘mais' dans ce scénario catastrophe. Que feront les Etats-Unis et surtout la Russie si la situation dégénère ? Il est peu probable qu'ils restent les bras croisés.

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Dans la politique mondiale une situation peut se développer de deux manières différentes : soit mauvaise soit pire. En outre, ces variantes peuvent s'appliquer aussi bien du côté fort que du côté faible, compte tenu du fait que le faible d'hier, peut devenir le puissant d'aujourd'hui et vice versa. En ce qui concerne le problème arménien, cela peut s'interpréter de la façon suivante : si Barack Obama ose prononcer le mot ‘génocide', ce sera le pire pour les Arméniens, et s'il ne le fait pas - ce sera mauvais.

Si l'on ne tient pas compte des nombreux facteurs pour et contre, alors selon les critères universels, les États-Unis doivent dire ce qui est connu depuis longtemps pour tout le monde. La chose la plus intéressante est que ce terme ne changera rien dans la communauté internationale, y compris en Turquie - mais l'Amérique, ou plutôt le gouvernement précédent, a permis à Ankara de faire ce qu'il avait envie, et notamment dicter des règles de traitement envers les Arméniens. Le problème est qu'Obama voit maintenant clairement les dégâts causés par la politique de Bush au Moyen-Orient et en Asie. Et il passe d'un extrême à l'autre, en refusant de soutenir Israël et voulant "se faire des amis" dans les pays musulmans. Soit dit en passant, aucun conflit déclenché par l'administration Bush n'a encore été réglé. Bref, lourd est l'héritage d'Obama, sans parler de la crise. Et en ces temps difficiles, les Arméniens demandent que le Président des Etats-Unis qualifie les événements de 1915 de ‘génocide' ...

Quant à Ankara, il croit qu'il prend des mesures appropriées, même si en réalité il n'en est rien. La vérité est que, malgré toutes les déclarations du Premier Ministre turc et de son ministre des Affaires étrangères concernant la volonté de ‘normaliser les relations et de vivre à côté de la riche et prospère l'Arménie', cela reste de simples mots. En fait, Ankara est réticent à traiter avec un pays dont la population a été sauvagement massacrée il y a 95 ans. Lorsque le 23 avril dernier, la population arménienne a été mise au courant d'un texte d'accord turco-arménien, lequel a pris forme dans les protocoles du 31 août, et signés à Zurich le 10 Octobre, la majorité de la nation arménienne a pris cela comme une moquerie et une insulte ; ce qui le fond, l'est vraiment.

Mais maintenant, près d'un an plus tard, nous réfléchissons à quelle "surprise" nous devrons attendre des grandes puissances qui sont intéressées par la retenue de la Turquie et l'Azerbaïdjan et la réorientation complète de l'Arménie à l'Occident. C'est le ‘pire' qui peut se produire si Obama prononce d'ailleurs le mot ‘génocide'. Cependant, il y a peu d'espoir que le président américain se risque à dire ce que la communauté arméno-américaine attend de lui, mais qui sait ce que l'Amérique peut avoir besoin dans la région en une semaine ? Si la Maison Blanche décide que la Turquie est une alliée stratégique essentielle et qu'il est inapproprié de se quereller avec elle maintenant, tout est clair. Dans le cas contraire, l'Arménie devra se préparer à une guerre avec l'Azerbaïdjan.

Mais il est encore temps d'envisager ce que la nation arménienne peut exiger : la reconnaissance de quelque chose déjà bien connue dans le monde entier, ou bien l'ouverture des archives et aller devant le tribunal. Mais qui doit-on trainer en justice ? L'État turc ? Non, parce que la Turquie actuelle n'est pas responsable des actes de l'Empire ottoman, a fortiori ceux des Jeunes-Turcs. Incidemment, ces derniers ont déjà été jugés par un tribunal militaire en 1919 et condamnés à mort pour "avoir poussé la Turquie dans la Première Guerre mondiale et avoir détruit la population arménienne."

Il n'y a presque plus rien dans les archives ottomanes - la plupart des documents ont été détruits en 1918 et ce qui a pu être sauvé a été envoyé à la Bibliothèque du Congrès, le mérite revenant personnellement à l'ambassadeur Henry Morgenthau. Il en est de même des documents conservés dans les archives européennes.

Mais le point le plus désagréable dont nous avons discuté à plusieurs reprises, c'est que la tragédie de la nation est devenue le seul atout dans le différend de près d'un siècle avec la communauté internationale.

PanARMENIAN

Karine Ter-Sahakian – Département Analyse