Haut-Karabakh : La bataille de Chouchi et un 8 Mai très spécial

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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

Une vision assez sévère de l'avenir du Haut-Karabakh, basée sur les faits et gestes de Bakou et qui laisse peu de place à un quelconque compromis. Ce qui tranche avec la vision optimiste des coprésidents du groupe de Minsk de l'OSCE qui positivent malgré le refus catégorique des dirigeants azéris de voir le Haut-Karabakh se détacher de l'Azerbaïdjan.

Les discours bellicistes de ces dirigeants, une fois chez eux, sont souvent à l'opposé de leurs déclarations lors des réunions de négociations de paix sous l'égide des trois pays coprésidents (Etats-Unis, Russie et France) ou devant les cameras étrangères.

Quoi qu'il en soit, il est plus que probable que l'Artsakh ne retourne jamais sous le joug azéri. Une indépendance ne se donne pas, elle se gagne et souvent dans le sang ; les milliers de morts Arméniens sont là pour le prouver.

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** Rappel de la bataille de Chouchi **

Les azéris occupaient Chouchi, située à environ 7km de Stepanakert sur les hauteurs dominant la capitale de l'Artsakh. Chouchi est entourée de remparts et sa position est imprenable. Les azéris forts de leur position avaient placé leur artillerie sur la route de Chouchi à Stepanakert qu'ils dominaient [ndlt : le col de Chouchi de situe à 1860m], et bombardaient à raison de 200 obus par jour. Étaient visés les usines et les hôpitaux, les habitants vivant dans les caves. La situation était devenue intenable, donc les soldats de l'Artsakh devaient tout faire pour que ce bombardement cesse. Mais attaquer par la seule voie praticable, c'est à dire par la route aurait été suicidaire.

Sur un des flancs de Chouchi se trouve une falaise infranchissable et vertigineuse d'environ 1000m de haut. Les commandos Arméniens ont donc pris Chouchi par la seule voie infranchissable : la falaise. La première nuit, les hommes en armes ont fait la moitié du chemin. Le jour, ils sont restés cachés dans les rochers. La deuxième nuit ils ont terminé l'ascension et ont débouché sur le plateau au petit matin semant la panique parmi leurs ennemis qui ne les attendaient pas par cette voie.
Pendant leur ascension, d'autres soldats Arméniens faisaient une attaque de diversion sur un autre point de la citadelle.

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Peu importe ce que les coprésidents du Groupe de Minsk et les parties intéressées disent sur le règlement du conflit du Haut-Karabakh, nous devons admettre que le processus est gelé, sinon définitivement du moins pour les cinq prochaines années. Il ne s'agit pas de la volonté ou du refus de régler le conflit, à savoir déterminer le statut du Haut-Karabakh, mais de l'incertitude croissante de Bakou. Aucunes des déclarations ciblées pour l'Azerbaïdjan ou pour la population arménienne ne produisent les effets escomptés.


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Les histoires de ‘croque-mitaine' diffusées par les médias azerbaïdjanais sur la puissance et la détermination de l'armée azerbaïdjanaise sont restées ‘incomprises' du côté arménien. Nous célébrons cette année le 18e anniversaire de la libération de Chouchi, les Arméniens ont de nouveau rappelé à Bakou cette vérité ancienne : la guerre est une question de compétence et non de quantité. Et la compétence est exactement ce qui fait défaut à l'armée azerbaïdjanaise. Vous pouvez acheter les armes les plus modernes, appeler toute la population combattante du pays, mais tout de même perdre, car il est nécessaire d'apprendre à bien tirer, même avec un pistolet et à se lancer dans la bataille avec l'idée que vous défendez votre patrie. L'Azerbaïdjan ne possède ni le premier ni le second. Et quand des dirigeants de la république voisine déclarent sur un ton grave que la raison majeure de la défaite de l'armée azerbaïdjanaise était du au fait que l'armée a mené une guerre d'agression, ils sont traités d'ennemis et de traîtres. Dans la deuxième guerre du Karabakh, si jamais elle commence, l'Azerbaïdjan ne sera pas en mesure de recruter les mercenaires : les commandants tchétchènes sont occupés de leur propre survie, la notion de "solidarité islamique" n'est pas appliquée pour la république voisine, ce qui, par conséquent, a suscité des récriminations des politiciens azéris. Ces récriminations sont principalement dirigées envers les Etats-membres de l'Organisation de la Conférence Islamique (OCI), qui non seulement "ne soutiennent pas les justes revendications de l'Azerbaïdjan et ne condamnent pas l' ‘agresseur', mais font ami-ami avec ce dernier. À cet égard il faut rappeler que le terme ‘agresseur' ne peut être utilisé que par l'Organisation des Nations Unies. Seule l'ONU a le droit de parler d'un Etat agresseur, et non les politiciens de Bakou, qui n'ont rien trouvé de mieux que de se plaindre du monde entier.

Revenant à la question des mercenaires, notons que désormais il sera plus difficile d'attirer des tireurs d'élite féminins vue que dans leur pays d'origine, on sait très bien comment on les a payées par Arménien abattu. Sans parler des pilotes ukrainiens ‘volontaires'... Maintenant, Safar Abiev [ndlt : ministre azéri de la Défense] assure que l'armée azerbaïdjanaise est capable elle-même de faire face aux ‘occupants'. C'est son affaire, après tout. Heureux ceux qui le croient.

Et maintenant, des torrents de larmes et de lamentations seront versés le 9 mai, et Akif Nagi [ndlt : leader de l'Organisation de Libération du Karabakh (KLO)] ira au Karabakh la prochaine fois. L'autre jour, la réunion du Conseil de la KLO a décidé de célébrer le 8 mai comme "Journée de la haine envers les envahisseurs". Selon cette décision, parmi d'autres activités il y aura des visites organisées à l'Allée des Martyrs à Bakou et dans la région, le brûlage du drapeau et des photographies des dirigeants arménien, etc…. KLO estime que ce jour-là l'expression d'une haine particulière envers les occupants est appropriée au motif que Chouchi "est le symbole du Karabakh et l'une des plus anciennes et des plus riches endroits de la culture azerbaïdjanaise". Ça serait drôle si ce n'était pas si triste. Les experts militaires azerbaïdjanais qui ont perdu la guerre vont déclarer que les Arméniens ne savent pas comment se battre, qu'ils ont gagné avec l'assistance des Russes, et autres babillements enfantins. Mais en réalité, l'opération "Mariage dans la montagne" a impliqué 2500 soldats côté azerbaïdjanais et environ le même nombre côté arménien. Une centaine de victimes ont été dénombrées chez les Arméniens, tandis que l'Azerbaïdjan en laissait près de 700 sur le terrain.


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Autre lieu, autre catastrophe. Au moment de l'assaut final, le commandant militaire de Chouchi était Elbrus Orujev et avait en face de lui Arkady Ter-Tadevossian qui avait planifié l'opération et qui conduisait les commandos arméniens. L'attaque a débuté le 8 mai à 02h30. Un important contingent militaire était présent sur la route dégagée, à l'ouest de Chouchi. Les soldats ont reçu l'ordre de ne pas tirer sur les civils qui fuyaient la ville, mais d'en bloquer les accès aux renforts. Dans la soirée, l'armée azérie pensait qu'elle avait repoussé l'attaque des Arméniens. C'est alors que la plupart des soldats s'enfuirent et Orujev n'eut pas assez d'hommes pour poursuivre la lutte. Il ordonna alors la retraite. Parmi les derniers combattants à quitter Chouchi se trouvait un certain tchétchène, Chamil Bassaïev.

C'est avec la libération de Chouchi que l'armée de Défense de la RHK a été formée, qui est aujourd'hui l'une des armées les plus mobiles et plus capables dans la région. Et peu importe si notre république voisine l'admet ou non, car telle est la réalité.

Karine Ter-Sahakian – PanARMENIAN – Département Analyses