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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires
La messe prévue dans l'église Sainte Croix de l'île d'Aghtamar sur le lac de Van, démunie de sa croix du dôme et transformée en Musé le reste de l'année, avait engendré l'espoir que la frontière turco-arménienne, fermée depuis 1993, serait ouverte quelques jours pour permettre aux pèlerins d'Arménie d'assister à la cérémonie ; sans compter les retombées politiques et financières pour la région.
Que nenni, vu que Bakou a de nouveau imposé son point de vue à Ankara, lequel d'ailleurs ne s'est pas fait prié dès qu'il s'agit de contrarier l'Arménie et les Arméniens. Par contre cela ne le dérange pas de franchir la frontière dans l'autre sens pour des exercices de l'OTAN.
Parler de ‘réouverture' de la frontière turco-arménienne est un euphémisme propre à la Turquie vue qu'elle n'a jamais été officiellement ouverte mais officiellement fermée par Ankara en 1993. Durant la période soviétique, les rares échanges commerciaux qui existaient entre la RSS d'Arménie et la Turquie transitaient par la RSS de Géorgie, plus facile de passage ; et l'obtention de visas dans le sens Turquie vers Arménie relevait d'un tour de force.
A noter toutefois lors du séisme de 1988, le passage des secours par cette frontière une unique fois. Même l'envoi de marchandises de première nécessité par voie ferrée ou par voie terrestre était interdit ; tout le monde se souvient des trains bloqués en Anatolie et de ce qu'il advint des marchandises.
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** Du côté arménien **
"L'ouverture de la frontière arméno-turque en Septembre, même temporairement, n'est pas réaliste. D'ailleurs, il est préférable pour la Turquie de garder la frontière fermée pour des raisons de sécurité en raison de l'aggravation de la lutte contre les groupements kurdes en Anatolie orientale. Ce n'est pas la première fois que la Turquie fait des déclarations pour induire en erreur la communauté internationale," a déclaré le directeur du Musée-Institut du génocide arménien, l'historien Haïg Demoian, lors d'une conférence de presse.
Selon l'historien, les relations arméno-turques ne devraient pas être considérées comme un processus distinct. Elles devraient être évaluées dans le contexte des développements régionaux.
"La première étape des relations arméno-turques s'est terminée avec la signature des deux protocoles, mais pas leur ratification, c'est à dire la partie turque a dévalué l'essence même de ces documents.
Ces deux protocoles ont permis de mettre à jour deux bluffs turcs, en vue de tromper la communauté internationale depuis l'indépendance de l'Arménie. Le premier est que l'Arménie a des revendications territoriales. Le second, concerne le génocide des Arméniens. La partie turque n'a pas ratifié les protocoles, qui prévoit une sous-commission sur les questions historiques, parce qu'elle a compris que, indépendamment de la signature et de la ratification des protocoles, la reconnaissance internationale du génocide des Arméniens continuera à être un processus distinct," a précisé Haïg Demoian.
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** Du côté turc **
Les commentateurs des médias turcs ont évoqué la possibilité d'une ouverture de la frontière suite à l'annonce faite en début de ce mois-ci que le ministère de l'Intérieur avait demandé aux autorités locales des provinces frontalières de Kars et de Igdir, d'estimer les délais de préparation en vue d'une possible ouverture. Le ministère a demandé aux bureaux des gouverneurs des deux provinces combien de temps il faudra pour que les postes-frontières et les routes soient pleinement fonctionnels dans le cas d'une éventuelle réouverture de la frontière.
Davutoğlu, interviewé par des journalistes samedi à Almaty, en marge de la réunion de l'OSCE, a déclaré que la demande aux autorités locales n'a été rien d'autre qu'un échange d'informations concernant le niveau de préparation à une éventuelle situation de post-catastrophe, comme un tremblement de terre, et sur les moyens de livrer l'aide aux victimes. "Il n'y a rien concernant une ouverture de la frontière. Ce n'est pas à l'ordre du jour du gouvernement et les médias ont déformé les propos," a-t-il précisé.
La Turquie a fermé sa frontière en 1993 en signe de solidarité avec l'Azerbaïdjan dans sa guerre avec l'Arménie dans le Haut-Karabakh. Quand la Turquie a signé les deux protocoles sur le rétablissement des relations diplomatiques et sur l'ouverture de la frontière avec l'Arménie en Octobre, l'Azerbaïdjan a protesté avec véhémence, avançant que la normalisation des relations turco-arméniennes sans progrès dans le conflit du Haut-Karabakh, pourrait créer des risques pour la stabilité régionale. La Turquie a fait machine arrière, déclarant que la frontière ne sera ouverte que si l'Arménie se retire des territoires azerbaïdjanais occupés.
À Almaty, Davutoğlu a eu des entretiens avec son homologue azerbaïdjanais, Elmar Mammediarov, au cours desquels la question des frontières a été soulevée : "J'ai dit à Elmar qu'il n'y avait aucune prévision en ce sens. Personne ne doit s'attendre à un tel événement."
Malgré l'impasse dans les efforts de réconciliation de la Turquie et de l'Arménie, la Turquie envisage de prendre part à un exercice de l'OTAN qui se tiendra en Arménie sur le thème : Réponse aux catastrophes par le Centre de Coordination (EADRCC). "Au cours des discussions techniques au siège de l'OTAN à Bruxelles il y a quelques temps, quand une telle possibilité a été soulevée par les responsables de l'OTAN, la partie turque a répondu favorablement," a déclaré un responsable. Vendredi, le ministère des Affaires étrangères a réaffirmé que l'ouverture des frontières ne pourra se faire que dans le cadre de l'exercice et ce, de façon ‘exceptionnelle et temporaire'.
En plus des problèmes liés au conflit du Haut-Karabakh, le processus de réconciliation turco-arménien est également dans l'impasse depuis Janvier, après qu'une cour arménienne a confirmé la légalité des protocoles, mais a souligné qu'ils ne pouvaient pas être en contradiction avec la position officielle d'Erevan sur le ‘prétendu' génocide arménien, lequel doit être reconnu internationalement. La Turquie accuse Erevan d'essayer de mettre des pré-conditions.
"La partie arménienne maintient sa position, qui empêche une solution," a déclaré Mammediarov aux journalistes après sa rencontre avec Davutoğlu. Selon le ministre des Affaires étrangères azerbaïdjanais, une fois un Accord de paix signé entre les deux nations, l'Arménie se retira immédiatement de cinq des sept districts occupés, tandis que Kelbadjar et Latchine ne seront retournés que cinq ans plus tard. "Mais au cours de la réunion de samedi, l'Arménie a insisté sur le référendum devant déterminer le statut définitif du Haut-Karabakh, avant de s'engager sur un retrait. Et donc, les pourparlers sont restés sans résultat," a souligné Mammediarov.
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** Côté français **
Le ministre français des Affaires européennes, Pierre Lellouche, a déclaré que la résolution du conflit du Karabakh est principalement freinée par la politique intérieure :
"Et nous encourageons la presse et les politiciens locaux, du côté turc comme du côté arménien. Nous avons beaucoup soutenu la diplomatie du football. Nous avons assisté à la signature d'un Accord. Malheureusement, celui-ci n'a pas été ratifié. Nous voulons vraiment que ces deux pays parviennent à une solution par la négociation. Il en est de même pour l'Azerbaïdjan, qui a un réel potentiel économique. Et bien sûr, il ne faut pas oublier le problème des réfugiés, auquel il faut trouver des solutions."
Répondant à la question si les efforts de la Turquie peuvent aider à résoudre cette situation, Pierre Lellouche, a déclaré : "Je leur ai demandé depuis longtemps d'ouvrir la frontière terrestre. Vous savez que la frontière aérienne est ouverte. Les Turcs ont tout à gagner à l'ouverture de la frontière avec l'Arménie, mais certainement pas en l'isolant. J'espère donc que la Turquie fera ce geste, mais bien sûr c'est difficile d'autant qu'il existe des affinités religieuses et ethniques avec l'Azerbaïdjan, et sans oublier les nombreux réfugiés."