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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires
Quel que soit la traduction, la déclaration des présidents stipule des points précis, déjà repris et commentés par de multiples observateurs ou analystes.
Il est clair que si l'Azerbaïdjan ne consent aucun sacrifice en restant ‘agrippé' sur l'intangibilité de ses frontières, et refuse le droit à l'autodétermination des Karabakhis, les négociations de paix resteront dans l'impasse.
On l'a vu avec les rencontres tripartites avec le président Medvedev, comme très probablement avec la visite d'Hillary Clinton, Ilham Aliev reste campé sur ses positions. Et quand la pression est un peu forte, il lance des actions commandos contre les positions arméniennes.
Donner raison à Bakou, signifie un durcissement de la position d'Erevan, sans compter celle de Stépanaguerd.
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La déclaration des présidents des pays coprésidents du groupe de Minsk de l'OSCE, peut être attribuée à de bonnes intentions, mais, malheureusement, pour la énième fois qu'elle est diffusée, comme Tchernomyrdine aimait à le dire : "Nous voulions le meilleur, mais il s'est avéré, comme toujours ... ." Une lecture attentive fait même ressortir, le pire côté de celle-ci : les divergences entre le texte officiel en anglais et sa variante russe suggèrent une distorsion délibérée du texte par la source russe, à savoir le service de presse du Kremlin.
En principe, l'ambiguïté peut aussi être expliquée par une mauvaise ponctuation. Toutefois, il faut admettre que la variante russe donne une évaluation plus réaliste de la situation dans le Haut-Karabakh, que la version anglaise. Mais la question n'est pas que nous nous voyions ‘territoires occupés' dans l'une, et absente dans l'autre, ou ‘sa population' dans l'un et ‘la population' dans l'autre. Toutes ces petites choses qui sont destinées en principe à donner aux parties en conflit la possibilité d'interpréter les déclarations en faveur de l'une ou de l'autre. En fait, la montagne a une fois de plus accouché d'une souris, quod erat demonstrandum (CQFD). La déclaration des présidents des pays coprésidents du groupe de Minsk de l'OSCE (Américain, Russe et Français) met en évidences des positions officielles différentes. Par exemple, ‘VOA Infos' appelle la population du Karabakh ‘des séparatistes', alors que ni la Russie ni la France n'utilisent ce terme. La position des États-Unis, comme toujours, est claire et transparente : - c'est le pétrole, le gaz et tout ce qui s'y rattache. Mais comment expliquer cet accord avec le fait que la Russie a racheté la totalité du gaz azerbaïdjanais et ne compte pas le partager avec qui que ce soit. Le résultat est un cercle vicieux : les Etats-Unis veulent résoudre les problèmes, tout comme la Russie et la France, et tous risquent d'être déçus. Et ils échoueront parce qu'une fois de plus, tout est bâti sur de fausses prémisses et des données incorrectes.
Malheureusement, Washington ne connaît que la manière forte pour résoudre un conflit. Cependant, s'agissant du Karabakh, Barack Obama ne peut pas blâmer Stepanakert de développer des armes de destructions massives, un programme nucléaire militaire ou le transport de médicaments. Ce n'est ni l'Irak ni l'Afghanistan. Cependant, Bakou, avec la complicité d'Ankara, va essayer de jouer sur des camps hypothétiques ou des base-arrières du PKK, mais personne, y compris les auteurs eux-mêmes, ne croient à ces contes. Aussi, Obama ne dispose pas de prétexte sérieux pour une solution militaire, d'autant qu'il n'a pas été élu pour ça. En gros, sous la présidence actuelle, les États-Unis perdent rapidement de leur pouvoir dans le monde et peu de gens sont sensibilisés par les déclarations sur la démocratie et d'autres bêtises du genre. L'échec de la réconciliation au Moyen-Orient a démontré une fois de plus l'incapacité des politiciens de Washington à répondre de manière adéquate à la situation. Pendant ce temps, avec l'avènement de Barack Obama et l'élimination de la menace du terrorisme islamique de la doctrine de la sécurité nationale des Etats-Unis, nous se demande : "Qui est Obama après tout ?" Cette question a un rapport direct avec le règlement du conflit du Karabakh, parce que personne, soutenant ouvertement le Hamas et "condamnant" Israël, ne peut être du côté du Haut-Karabakh.
Dans l'état actuel des choses, la position de la Russie est beaucoup ‘plus honnête', si tant est que l'expression puisse s'utiliser. Peut-être la raison en est qu'il y a l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie, qui sait ? Hélas, dans ce cas, la France joue un rôle de figurant. L'UE se limite à des déclarations générales, mais même pour cela, nous devons être reconnaissants.
Revenant sur la déclaration des présidents, il est fort probablement, que les différences dans les textes ont été convenues à l'avance. Il est impossible pour un seul et même texte d'être si différent selon les langues. Ainsi, la version américaine a été écrite pour Ilham Aliev, et la russe pour l'Arménie. Il est facile de deviner à quelle conclusion tout cela aboutira : une visite des coprésidents du Groupe de Minsk de l'OSCE, et une réunion des ministres des Affaires étrangères arménien et azerbaïdjanais lors du sommet de l'OSCE au Kazakhstan, avec une éventuelle rencontre des présidents. Rencontre, au cours de laquelle Aliev ne sera pas autorisé à claquer la porte, les bonnes choses venant à petite dose. Les ONG élaboreront des projets ‘sur mesures', tandis que la société azérie atteindra le point culminant dans sa haine envers les Arméniens ... et c'est redoutable de penser où et comment cette agressivité, chérie pendant des décennies, peut gicler.
Les pays de la région, en particulier la Turquie et l'Iran, vont essayer de rejoindre l'OSCE, alors que le conflit restera en suspens, et dans 20-30 ans personne ne se souviendra des territoires et des réfugiés, à condition que le clan Aliev se retire de la vie politique. Sinon, l'avenir de l'Azerbaïdjan restera trop faible, et ce quel que soit l'agitprop d'Aliev.
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Karine Der-Sahakian – PanArmenian – Département Analyse