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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires
Le président géorgien Mikhaïl Saakachvili a beau jeu avec l'Azerbaïdjan, tout comme d'ailleurs avec la Turquie. Bien que le maillon faible des voies énergétiques partant de Bakou, il n'est reste pas moins incontournable, l'Arménie étant impensable, l'Iran pas trop sûr quant à la Russie, elle dispose de ses propres oléoducs/gazoducs à travers le Caucase du Nord.
La guerre avec la Russie l'a fortement affaiblie en plus de la perte de deux de ses provinces. Aussi les royalties provenant de ses deux voisins turcophones sont les bienvenus sans compter les taxes prélevés sur les marchandises en transit des imports/exports de l'Arménie.
Il n'y a aucune solidarité avec sa voisine y compris sur le plan religieux, au contraire il y a une politique de géorgisation forcée des églises non orthodoxes, catholiques et apostoliques arméniennes essentiellement, en plus d'une oppression calculée de ses minorités, azéris compris.
Reste le levier le plus important : le Djavaghk. Malgré les sourires diplomatiques et les promesses hypocrites de Tbilissi, Erevan a les pieds et poings liés sur ce dossier. C'est à la diaspora et aux ONG que revient le travail de veille et d'alertes sur les ‘dérapages nationalistes' de l'administration géorgienne.
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"Les relations entre la Géorgie et l'Azerbaïdjan sortent de la simple coopération, c'est pourquoi nos pays devraient s'unir en une confédération," a déclaré le président géorgien Mikhaïl Saakachvili lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue azerbaïdjanais Ilham Aliev à Batoumi. Essayons de comprendre exactement ce que voulait dire M. Saakachvili, tout en gardant à l'esprit que dans chaque plaisanterie il y a une part de ... plaisanterie. Et ce qui reste, c'est la vérité.
Lorsque le président d'un pays fait ce genre de déclaration, c'est qu'il a un but. Les objectifs de Saakachvili peuvent être variés : - la normalisation des relations russo-géorgiennes ; - le règlement de la question arménienne dans le Djavaghk ; - le souhait de la Géorgie de rejoindre l'UE et l'OTAN. En fait, Ilham Aliev ne risque pas de l'aider sur ce dernier point, au contraire. Mais il est vraisemblable qu'il donnera un coup de main s'agissant des relations russo-géorgiennes. Toutefois, si Aliev commence à partager les ‘secrets' du règlement du conflit avec M. Saakachvili, en plus de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, le président géorgien aura sur les bras un problème de plus, le Djavaghk. Aussi, Aliev traitera la suggestion de son collègue géorgien avec réserve, vu qu'il a besoin de la Géorgie en tant que voie de transit, bien que peu fiable, influençable, mais nécessaire au transport du pétrole de Bakou vers la Turquie. Toutefois, si l'Azerbaïdjan et la Géorgie décidaient de former une confédération avec la Turquie, deux d'entre eux disparaitraient dans cas et leurs présidents deviendraient des gouverneurs de province. Ce scénario ne conviendrait pas du tout à l'Arménie, néanmoins, elle doit se tenir prête aussi pour cette configuration.
Mais trêve de supputations, en particulier parce que la Turquie a ses propres problèmes, et malgré les assurances enthousiaste du premier ministre Erdogan que "le pays a pris un chemin droit et démocratique, et qu'il est un pont entre l'Orient et l'Occident." Nous avons déjà discuté de la politique étrangère du "zéro problème avec les voisins". Par ailleurs, si la Turquie se voulait être un pont entre l'Orient et l'Occident, le rêve s'est brisé quand les islamistes ont pris le pouvoir.
Mais revenons à la déclaration du président géorgien. Très probablement, c'était juste une déclaration non contraignante, appelant à mettre en place un spectacle de fraternité avec l'Azerbaïdjan. Il serait faux de dire que la Géorgie a besoin d'un voisin, il suffit à Bakou de lui insuffler ce sentiment. Les intentions d'Aliev sont évidentes : si les choses tournent mal (dans le cas où éclaterait la guerre au Karabakh), la Géorgie devra lui venir en aide. Mais ses calculs se révéleront difficilement exacts. Saakachvili ne pourra jamais tenir tête à la communauté mondiale, d'autant plus que les États-Unis et la France, sont contre toute action militaire de la part de l'Azerbaïdjan.
Un petit rappel historique concernant ‘les années 20'. Le 12 Mars 1922, la conférence des représentants de la CEC à Tbilissi avec les RSS d'Azerbaïdjan, d'Arménie et de Géorgie, a approuvé le traité sur la création de l'Union Fédérale des Républiques Socialistes Soviétiques de Transcaucasie (FUSSRT). Le 13 Décembre 1922, le 1er Congrès des Soviets de Transcaucasie modifiait le FUSSRT en TSFSR (Républiques Socialistes Fédératives de la Transcaucasie Soviétique), tout en maintenant l'indépendance des trois Républiques. Le Congrès a approuvé la Constitution du TSFSR, formé de la CEC, de l'URSS et des gouvernements de Transcaucasie : le Conseil des Commissaires du Peuple du TSFSR. Le 30 Décembre 1922, le TSFSR rejoint les RSFSR et la RSS de Biélorussie pour devenir l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques. Conformément à la Constitution de l'URSS de 1936, les RSS d'Azerbaïdjan, d'Arménie et de Géorgie rejoignent l'URSS en tant que Républiques Soviétiques indépendantes, abolissant de fait le TSFSR.
Karine Ter-Sahakian – PanArmenian – département Analyse