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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires
En début de semaine les trois ministres des Affaires étrangères, russe, arménien et azerbaidjanais se sont rencontrés à Moscou, pour faire suite aux engagements pris la semaine précédente à Astana. Les réunions internationales se succèdent, le président Aliev prononce ses discours lénifiants, mais sur le terrain rien n'est changé.
Ainsi dans la même semaine, c'est-à-dire celle suivant le Sommet de l'OSCE, les unités arméniennes stationnées dans les régions de Hadrout, Mardouni, Askeran and Mardakert ont essuyés plus de 800 tirs provenant des lignes azéries.
On se demande parfois à quoi peuvent réellement bien penser les pays coprésidents du Groupe de Minsk de l'OSCE lorsqu'ils voient l'un des signataires de la déclaration sur le conflit du Karabakh, ne pas respecter sa signature et ce, systématiquement. En y regardant bien, personne ne devrait s'étonner de ce comportement, vu que Bakou depuis plusieurs années prend les médiateurs internationaux pour des incapables, pour ne pas dire plus. C'est pourquoi, l'Azerbaïdjan essaie de porter la résolution du problème Karabakh devant d'autres instances internationales, notamment l'ONU et même le Conseil de Sécurité.
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L'Azerbaïdjan n'est pas encore sûr des effets de son travail à Astana, mais juste au cas où, il parle de victoire.
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A peine l'encre de la déclaration de l'OSCE sur la résolution du conflit du Karabakh avait-elle séchée, que les politologues azerbaïdjanais, dirigés par Mubariz Ahmedoğlu, se hâtèrent de déclarer ‘le succès de la diplomatie azerbaïdjanaise et l'échec de la diplomatie arménienne'. On ne peut que faire des conjectures sur le passage où Ahmedoğlu a trouvé que le document parlait de succès ou d'échec. On est surpris non seulement de la stupidité, mais aussi de la naïveté des têtes pensantes de Bakou, qui ont toujours été célèbres pour leur capacité à déformer le sens de tout document, de sorte que même les rédacteurs ne reconnaissaient plus leurs textes.
"La déclaration définit le cadre de la mise en œuvre du document adopté à L'Aquila, mais la nouveauté porte sur la signature de cette déclaration par les présidents de l'Azerbaïdjan et de l'Arménie," a déclaré le directeur du Centre pour l'Innovation Politique et la Technologique, Mubariz Ahmedoğlu. Il a raison sur ce point, mais la pensée suivante d'Ahmedoğlu est, comme qui dirait, incompréhensible. Jugez par vous-même. "Après le Sommet d'Astana, le problème du Karabakh sera discutée au sein du Conseil de Sécurité de l'ONU." Pourquoi et d'où Ahmedoğlu a sorti cette idée, cela reste un mystère. Et tout cela en dépit du fait que quelques heures avant, le Secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, avait déclaré que le conflit devait être réglé au sein du Groupe Minsk de l'OSCE et que les tireurs d'élite devaient être retirés de la ligne de contact.
Mais il n'est pas bon pour Bakou de citer des propos qui le concernent directement. Bakou estime qu'il est préférable de s'illusionner. Après qu'Haydar Aliev ait donné son aval à cette démarche, l'Azerbaïdjan a toujours maintenu ce cap. Et la dernière perle issue de la clairvoyance du directeur du CIPT : "Le texte est catégorique, qui souligne l'importance des principes de base pour un règlement pacifique. Mais, en comparaison des possibilités et des exigences de l'Azerbaïdjan, je crois, que l'importance de ce document devient … sans importance," a-t-il souligné. Alors, devrions-nous considérer [ce Sommet] comme une victoire ou une défaite de la diplomatie ?
On a l'impression que les commentaires d'Ahmedoğlu ne portent pas sur la déclaration faite à Astana, mais sur son propre président, qui, comme toujours, sont sans originalité. Dans son discours, le président Ilham Aliev avait déclaré : "L'Arménie continue à utiliser la force pour maintenir le contrôle sur les territoires occupés, cependant, l'Azerbaïdjan, comme auparavant, se consacrera à des pourparlers pacifiques dans l'espoir qu'un jour, ils porteront leurs fruits."
Cependant, après la déclaration finale du Sommet, Bakou s'est tu, comme sur commande. Connaissant le fonctionnement des Azerbaïdjanais, nous pouvons dire qu'un ordre a été donné. Et il indique que peu importe comment les têtes pensantes azéries ont essayé de dissimuler au peuple l'échec de la position de l'Azerbaïdjan à Astana, et que cela n'a pas fonctionné. D'autre part, il n'est pas approprié de parler d'échec pour Bakou, depuis qu'il a obtenu ce qu'il demandait depuis longtemps [ndlt : à savoir le statu quo]. Nous croyons également que les publications de Wikileaks ont joué aussi un rôle. Une autre question est : dans quelle mesure ces fichiers doivent-ils être pris pour argent comptant, mais même si ils ne sont pas exactement dans la forme qui a été diffusée dans le monde entier, ils auraient pu être inventés pour remettre à sa place Aliev.
Car Ilham Aliev semble avoir oublié le plus important : le pétrole de la Caspienne, pour lequel les États-Unis mènent désespérément un combat, n'est pas le monopole de l'Azerbaïdjan. Il y a aussi le Kazakhstan, le Turkménistan, l'Iran et la Russie. Aliev ne pourra jamais rivaliser avec Noursoultan Nazarbaïev sur le degré d'influence et le poids politique, pas plus qu'il ne fait le poids face au président du Turkménistan. Il est également possible que la communauté internationale est déjà malade et fatiguée des manières du président qui se comporte comme un prince féodal avec ses déclarations extravagantes, et ses ambitions déraisonnables.
Aliev risque à la longue d'être démis de ses fonctions et sera remplacé par un homme politique plus conciliant, qui va comprendre que le conflit du Karabakh a cessé d'exister depuis 1994, en raison de son règlement en faveur de la population du Haut-Karabakh. C'est exactement ce que le président de l'Azerbaïdjan ne veut pas comprendre. Ou peut-être, qu'il en est incapable ?
Garinée Der-Sahakian - PanArmenian.net – Département Analyse