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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires
Le rapport de l'ICG, comme tout document émanant d'une organisation internationale, fait un certains nombre de propositions pour résoudre le conflit du Karabakh, mettant en avant les risques d'une reprise des hostilités entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
Mais comme tous les documents émanant d'une organisation internationale, les auteurs évitent de discuter du pourquoi ou du comment on en est arrivé là, se contentant d'appliquer une solution globale à la situation, du style ‘voilà ce qu'il faut faire'.
Certes la ou les solutions proposées s'appuient sur les normes internationales, mais le problème n'est pas là. Il faudrait pour essayer de résoudre le conflit, remonter à la fin de l'époque soviétique quand la région autonome du Haut-Karabakh, rattachée de force à la RSS d'Azerbaïdjan par Staline, a demandée en 1988 à être rattachée à la RSS d'Arménie et non plus à la RSS d'Azerbaïdjan, et ce conformément à la constitution de l'URSS. Bakou a vu rouge et a commencé à s'attaquer aux Arméniens disséminés à travers le pays en organisant des pogroms (Bakou, Sumgaït) avant de lancer ses troupes contre la région dissidente.
Aussi vouloir solutionner le conflit en faisant fi de tout cet historique, revient à appliquer un cautère sur une jambe de bois.
Quant à faire appel à la Turquie, alliée de l'Azerbaïdjan et auteur négationniste du génocide des Arméniens, comme médiateur, c'est faire preuve d'une grosse méconnaissance du sujet. Inquiétant pour des experts ...
* Brève *
L'Armée de Défense du Karabakh a déclaré dans un communiqué qu'une unité de commando azéri a attaqué ses positions avancées dans la région Jraberd, au Nord-est du Haut-Karabakh. Les forces arméniennes ont repoussé l'ennemi qui a subi des pertes avant de se replier.
De son côté, l'agence Trend a cité Teymur Abdullayev, un porte-parole du ministère azerbaïdjanais de la Défense, déclarant que le soldat Vusal Bilalov âgé de 20 ans a été tué et qu'un autre a été hospitalisé après une violation du cessez-le-violation par les forces arméniennes. L'officier n'a pas donné plus de détails, précisant simplement que l'incident s'est produit dans la matinée.
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Le ministère des Affaires étrangères de l'Artsakh, c'est-à-dire de la République du Haut-Karabakh (RHK), a publié une déclaration concernant le récent rapport de l'International Crisis Group .
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"Arménie – Azerbaïdjan : prévention de la guerre"
En lisant le rapport de l'International Crisis Group (ICG) on en vient automatiquement à la conclusion qu'il a été écrit exclusivement pour convaincre l'Arménie ‘d'adoucir' ses positions dans le processus de négociation, et plus particulièrement sur le statut final du Haut-Karabakh.
Comme on sait, les positions de la République du Haut-Karabakh dans le processus de négociation sont représentées aujourd'hui par l'Arménie. Mais, tous les acteurs du processus de rétablissement de la paix, y compris la société civile, qui sont intéressés au règlement pacifique du conflit Azerbaïdjan-Karabakh, y compris l'ICG, doivent tenir compte du fait que la décision finale devra être validée par la population et les autorités de l'Artsakh.
Une autre question concerne l'équité du rapport, écrit à des milliers de kilomètres du Haut-Karabakh, et dont les auteurs ne se sont même pas donné la peine de se rendre sur place, au Karabakh, même pour des raisons de convenance. Sans parler du fait que, récemment, la directrice du programme européen de l'ICG, Freiser Sabine, s'est installée à Istanbul, d'où, en se basant sur les publications dans les médias turcs, ayant souvent un parti pris, donne des recommandations aux parties en conflit. Alors qu'une seule visite à la RHK aurait suffi pour comprendre l'essence du conflit et relater l'efficacité et la viabilité de la RHK.
En fait, l'ICG propose de régler les conséquences du conflit et non pas le conflit lui-même, ce qui ajoute de l'huile sur le feu dans des conditions de tension extrême entre les deux parties. Mme Freiser, peut-être sans s'en rendre compte de cet aspect, crée une nouvelle situation de crise, qui en fait, permet au tandem Azerbaïdjan-Turquie de proposer de résoudre le problème calmement à sa manière. Ce n'est pas par hasard si Mme Freiser attribue à Ankara le rôle de régulateur de base dans la région ainsi que celui de médiateur dans le règlement du conflit du Karabakh. On devrait rebaptiser l'International Crisis Group en Crisis Creation Group. (‘Groupe sur les Crises Internationales' en ‘Groupe de Création de Crises')
Sûrement que nombres de personnes d'Artsakh partagent les préoccupations de l'ICG sur la reprise éventuelle d'une guerre à n'importe quel moment, ce qui conduirait à des conséquences destructrices sans précédent pour toute la région. Mais, des rapports similaires devraient noter les causes spécifiques de l'émergence d'une telle situation explosive. La tension sur la ligne de contact est le résultat de la politique délibérée de l'Azerbaïdjan de ces dernières années. Suite à la progression de la rhétorique militante/militaire et des pressions azerbaïdjanaises, la mollesse des médiateurs et des représentants des États étrangers est étrange, alors qu'ils se devaient depuis longtemps de condamner catégoriquement le président Aliev, lui enjoignant d'abandonner sa politique de menaces et de négocier avec la principale intéressée dans le conflit : la République du Haut Karabakh. Malheureusement, les propositions de l'ICG ne peuvent pas résoudre les causes du conflit. Les tactiques de petites concessions en faveur de l'agresseur ne pourront qu'attiser son appétit.
La guerre doit être mise en balance avec la reconnaissance de la RHK, et non avec la signature d'un accord-cadre ou de tout autre demi-mesure. Accélérer la signature d'un accord sur les principes de base, sans une élaboration détaillée de tous ses principales dispositions, reviendra à mettre « une bombe à retardement » dans le cadre du processus de paix.
Dans la situation actuelle, mettre en place des mesures de confiance, à la fois militaires et civiles, est plus que nécessaire. La communauté internationale devrait établir des relations directes avec le Haut-Karabakh. L'intégration de la RHK dans les processus internationaux est probablement le seul outil dans l'arsenal de la communauté internationale pour contrer l'avancée vers une nouvelle guerre. La communauté internationale, en ignorant la RHK en faveur de l'Azerbaïdjan ne fait que renforcer la confiance de celui-ci dans son propre droit à déclencher une nouvelle agression.
La communauté internationale ne doit pas répéter son erreur du début des années 1990, lorsque la reconnaissance du droit de l'Azerbaïdjan à l'autodétermination et le rejet du droit semblable du Haut-Karabakh ont été perçus par l'Azerbaïdjan comme une carte blanche pour l'agression à grande échelle de la RHK, foulant aux pieds la volonté de son peuple. N'est-il pas temps de tirer une leçon du passé ?
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