La Suisse – l'Arménie – la Turquie
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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires
On ne voit pas pourquoi la Suisse, pays perpétuellement neutre depuis 1815, changerait sa stratégie en prenant position pour l'Arménie, pour l'Azerbaïdjan ou pour la Turquie.
La Suisse, le pendant pour le processus arméno-turc du groupe de Minsk de l'OSCE pour le processus arméno-azerbaidjanais, se comporte de la même manière, déclarant ce qu'il y a lieu de faire conformément aux décisions prises, voire aux Accords signés. En aucun cas, on a vu Berne, comme d'ailleurs les coprésidents médiateurs internationaux, mettre nommément le ou les parties devant leurs responsabilités quand ceux-ci contreviennent à leurs engagements. Les discours généralistes et lénifiants n'ont pas beaucoup d'effets sur le ou les concernés. Depuis le temps qu'ils le répètent, ils devraient se rendre que la méthode Coué a ses limites.
Toutefois, neutralité ne signifiant pas laxisme et on se souvient de la bataille menée par la présidente suisse actuelle, alors ministre des Affaires étrangères, quand des citoyens turcs (Dogu Perinçek, Yusuf Halacoglu), se trouvant en Suisse, ont tenu des propos négationnistes envers le génocide arménien. Propos d'ailleurs sanctionnés par les tribunaux helvètes.
Quant à la diplomatie turque, strictement rien n'est changé dans le fond envers l'Arménie et les Arméniens. Suivant les époques c'est tantôt la carotte tantôt le bâton. En général quand le 24 Avril approche, Ankara sort ses griffes contre les pays qui font mine de reconnaître le génocide des Arméniens.
Et quand on sait qu'en 2015 c'est la commémoration du centenaire, Ankara dès à présent fourbie ses armes et ses arguments pour atténuer coûte que coûte le choc.
Non mais ... ce ne sont pas ces "ermeni giaour" qui vont faire fléchir le futur empire néo-ottoman envisagé par le Sultan Gül et son grand Vizir Erdogan !
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** Relations Arménie – Suisse **
* Conflit du Karabakh
"Nous suivons de près les développements au Karabakh. Les négociations sur le règlement du conflit du Karabakh se déroulent dans le cadre du Groupe de Minsk de l'OSCE. Bien que nous ne soyons pas un membre actif du Groupe, j'ai parlé de la question avec les présidents Ilham Aliev et Serge Sarkissian, a déclaré la présidente de la Confédération Helvétique, Micheline Calmy-Rey, lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue arménien. Mme Calmy-Rey se trouvait en Arménie dans le cadre d'une visite de la région et pour l'inauguration de l'Ambassade Suisse à Erevan.
"Il n'y a qu'une seule solution au problème du Karabakh : la mise en œuvre pacifique du droit internationalement reconnu à l'autodétermination des peuples," a déclaré pour sa part le Président Sarkissian. Il a exprimé l'espoir que les actes de l'Azerbaïdjan deviennent conformes à leur parole, à savoir : l'application des dispositions de l'accord trilatéral conclu à Sotchi.
"Le problème devra être résolu pacifiquement par la négociation, même si la route est difficile et pleine d'obstacles," a ajouté le président arménien.
* Protocoles Arménie - Turquie
Mme Calmy-Rey, dont le pays assure la médiation avec les États-Unis dans les négociations turco-arméniennes, a exhorté Ankara et Erevan à relancer les protocoles de normalisation signés à Zurich en Octobre 2009.
"Officiellement, la médiation de la Suisse a pris fin avec la signature des protocoles de Zurich. Cependant, je ne dirais pas que nous nous sommes lavés les mains et sommes indifférents à ce qui se passe entre l'Arménie et la Turquie. La Suisse veut que le processus de ratification des protocoles reprenne et nous sommes prêts à faire tout ce qui peut encourager les parties," a-t-elle déclaré aux journalistes.
* Le génocide arménien et les Etats-Unis
Serge Sarkissian a indiqué qu'il avait exhorté le président américain Barack Obama à qualifier explicitement ‘de génocide' les massacres de masse des Arméniens perpétrés lors de la première Guerre mondiale dans la Turquie ottomane. Il a également exprimé l'espoir qu'Obama va utiliser le terme politiquement sensible dans sa déclaration publique à l'occasion du 24 avril.
"Naturellement, notre désir a toujours été et est que, dans son discours annuel le président des États-Unis fasse une évaluation très explicite et prononce le mot ‘génocide'. Je lui en aie parlé plus d'une fois dans le passé, et je lui ai personnellement demandé de prononcer ce mot."
Obama s'est engagé à plusieurs reprises à reconnaitre officiellement le génocide arménien lors de sa campagne présidentielle. Il n'a toujours pas donné suite à cet engagement, disant seulement qu'il maintenait ses déclarations antérieures sur le sujet.
Dans son communiqué publié le 24 avril en 2009, Obama avait laissé entendre qu'il n'avait pas utilisé le mot ‘génocide' pour ne pas indisposer la Turquie et mettre en péril le rapprochement entre la Turquie et l'Arménie, commencé peu après que Sarkissian aie pris ses fonctions en 2008. Les détracteurs tant en Arménie qu'en diaspora avaient déclaraient que Sarkissian lui-même avait permis à Obama à revenir sur sa promesse de campagne suite au démarrage de la ‘diplomatie du football' en les deux pays.
On se souvient également que Sarkissian avait du faire face en Octobre à des allégations suite de la diffusion de vidéo sur Internet dans laquelle le vice-président américain, Joe Biden, affirmait que le président arménien avait lui-même demandé à Washington de ne pas "insister" sur la question de la reconnaissance du génocide arménien, alors que se déroulaient les négociations turco-arméniennes. Tant Erevan que l'ambassade américaine d'Arménie avait démenti les propos de Joe Biden.
Sarkissian a toutefois indiqué qu'il pense qu'Obama s'abstiendra de nouveau d'utiliser le mot ‘génocide'. "Le meilleur moment est quand le désir correspond à la réalité. Espérons que ce sera le cas cette fois. Mais si cela n'arrive pas, nous n'aurions pas de raisons d'être bouleversé et nous devons plutôt nous battre pour cela. Je dirais que les médias arméniens ont un grand rôle à jouer dans cette action."
** De la nouvelle politique arménienne d'Ankara **
La turcologue Anouche Hovannessian a décrit la nouvelle stratégie de la Turquie, consistant à entraver le processus de reconnaissance internationale du génocide arménien, comme étant un ‘négationnisme rampant'. Selon elle, la stratégie est la même, seule la forme a changé, la Turquie utilise le ‘flou politique' en lieu et place de la tactique précédente du déni systématique.
Ainsi, dans un des récents discours le ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu a essayé de présenter le massacre des Arméniens comme la tragédie des citoyens turcs, donc une question interne au pays.
"En déclarant que le problème arménien est clos et que les affirmations de génocide sont un sujet d'examen scientifique, le Président de la Grande Assemblée nationale, Mehmet Ali Sahin, a tenté de transformer le processus de réconciliation arméno-turc, d'une démarche international à un accord bilatéral."
Elle a noté au passage que les protocoles arméno-turcs sont dans une impasse et qu'il serait préférable de revoir les textes.
Quant à la nomination d'un certain Daron Acemoglu en tant que représentant de la Turquie à Paris, ce serait plus une action de relations publiques de la part d'Ankara, qu'une réalité.
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Extrait de la Radio Publique d'Arménie et de Armenialiberty