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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires
Alors que Bakou nous avait habitué, la veille ou le lendemain de réunions trilatérales, à violer le cessez-le-feu par un redoublement de ses attaques sur la ligne de contact, cette fois-ci il a choisi, la démonstration de force.
Profitant de la journée des Forces Armées, le président Aliev, a fait étalage de sa force militaire, agrémenté d'un discours belliqueux rempli de menaces. Le Dr Jekyll des rencontres officielles devient Mr Hyde rentré chez lui.
Si l'on tient compte des propos tenus par Ilham Aliev lors de son interview par Euronews et ceux prononcés dimanche à la parade militaire, on est en droit de se demander pourquoi les médiateurs internationaux font des déclarations si ‘angéliques' sur le devenir des négociations de paix ?
Ce n'est pas parce que les pays coprésidents du groupe de Minsk de l'OSCE – Les Etats-Unis, la Russie et la France – souhaitent que le conflit se résolve pacifiquement, que cela se fera. Les équipements sophistiqués dont ils disposent sont plus que suffisants pour voir et entendre ce qui se trame dans les couloirs du palais présidentiel de Bakou. Qu'attendent-ils donc pour prendre les devants avant que le Calife de Bakou ne commette l'irréparable ?
Est-ce que Moscou interviendra si l'Azerbaïdjan attaque le Karabakh, vu que le traité arméno-russe de défense porte sur une attaque contre l'Arménie et non sur le Haut-Karabakh ?
Ne soyons pas pessimiste, l'amour du pétrole et du gaz sera le plus fort.
* Brève *
"Nous n'avons reçu pour le moment aucune proposition officielle sur la création d'une union entre la Géorgie, la Turquie et l'Azerbaïdjan. Dans l'ensemble, le Président de la Géorgie, Mikhaïl Sahakashvili, avait fait des propositions sur la création d'une zone du Caucase-Uni, mais c'est resté sans suite," a déclaré la Vice-ministre géorgien des Affaires étrangères, Nino Kalandadze.
Le directeur de la planification stratégique, Akhmed Shirinov, avait à son tour fait une offre pour créer une nouvelle union politico-économique la semaine dernière. L'idée consiste à créer une Union entre la Turquie, l'Azerbaïdjan et la Géorgie sur la base de mêmes principes, comme l'UE, un espace social et économique, ainsi qu'avec une monnaie et une zone douanière uniques. Cela nécessiterait également selon lui la création d'un Parlement spécifique, voire d'un gouvernement ainsi que d'autres structures.
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"Le président russe Dmitri Medvedev est frustré par l'échec de ses homologues arménien et azerbaïdjanais à parvenir à un accord-cadre sur le Haut-Karabakh et pense à arrêter d'organiser des rencontres régulières entre les deux hommes," a déclaré lundi l'un de ses principaux collaborateurs de Medvedev, se référant à la rencontre trilatérale de Kazan.
"Si l'Azerbaïdjan et l'Arménie ne parviennent pas à afficher bientôt qu'ils sont prêts à résoudre les problèmes accumulés, alors nous considérerons que cette mission de médiation n'a plus de raison d'être," rapporte l'un des principaux quotidiens de Moscou, "Kommersant".
Selon la source du Kremlin, Medvedev a déclaré aux présidents Aliev et Sarkissian qu'il organisera un autre sommet que s'ils auront "la ferme intention d'adhérer aux principes de la résolution."
Ainsi, un diplomate impliqué dans le processus de négociation a indiqué que le sommet de Kazan avait "de façon inattendue ravivé les désaccords qui étaient depuis longtemps considérés comme réglés par les médiateurs, et notamment la détermination du statut futur du Haut-Karabakh. Mais le problème n'est pas tant ces désaccords que le fait que les parties ont à maintes reprises changé leurs positions. Et c'est inacceptable."
La source a également minimisé la déclaration des trois présidents. En fait cela voulait dire que "les parties ont une fois encore, tout simplement confirmé qu'il subsiste de gros problèmes."
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Le ministère des Affaires étrangères français a fait une déclaration suite à la réunion de Kazan.
"Comme l'indique cette déclaration [à l'issue de la rencontre de Kazan], la réunion de Kazan a permis d'identifier ou de confirmer plusieurs points de compréhension, ce qui permet de poursuivre la négociation sur les bases actuelles en vue de l'adoption ultérieure des principes de règlement proposés par les médiateurs.
Le résultat n'est pas négligeable, la France, avec ses partenaires américains et russes dans la coprésidence du groupe de Minsk, ne ménagera pas ses efforts pour assister toutes les parties dans la poursuite de la négociation. Le coprésident français et ses collègues américain et russe, qui se sont déjà longuement entretenus avec les présidents de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan à Kazan, se rendront de nouveau à Erevan, à Bakou et au Haut-Karabagh dans les toutes prochaines semaines pour préparer la poursuite de la négociation."
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L'Assemblée Arménienne d'Amérique (AAA) félicite le président Serge Sarkissian pour ses efforts diplomatiques pour obtenir une résolution pacifique et juste du conflit du Haut-Karabakh.
Le communiqué stipule :
"Nous avons noté l'appel téléphonique du président américain Barack Obama aux deux Présidents, Serge Sarkissian et Ilham Aliev, avant le sommet de Kazan dans lequel le président Obama indique aux deux dirigeants qu'il est temps maintenant de résoudre ce conflit et d'offrir aux populations de l'Arménie, de l'Azerbaïdjan et du Haut-Karabakh un avenir meilleur pour eux et pour leurs enfants.
Nous adressons également nos remerciements à la Secrétaire d'Etat Hillary Clinton pour son soutien aux efforts visant à assurer une paix durable dans la région.
Il est regrettable qu'une fois encore l'Azerbaïdjan ne semble pas prêt pour la paix. L'Arménie a constamment démontré sa volonté de résoudre toutes les questions en suspens avec ses voisins, tandis que l'Azerbaïdjan, au contraire, a rapidement gonflé son budget militaire et joue l'escalade des tensions par des menaces de reprise d'actions militaires.
Il est également regrettable que l'engagement de l'Amérique pour la paix et la réconciliation, continue d'être sapé par l'intransigeance de l'Azerbaïdjan. L'AAA rappelle l'ingérence de l'Azerbaïdjan et son opposition aux protocoles entre la Turquie et l'Arménie, qui ont été négociés par le gouvernement suisse avec le plein appui de la France, de la Russie, de l'Union européenne et des États-Unis. Ironiquement, après la signature des Protocoles, la Turquie, sous la pression de Bakou, insiste pour qu'une résolution du conflit du Haut-Karabakh soit réalisée, condition qu'elle ne ratifie les protocoles, avec comme corollaire effectif la prise en otage de Arménie à travers le blocus.
Compte tenu de l'issue de la réunion du 24 Juin à Kazan, ainsi que du processus bloqué concernant les protocoles, l'AAA est convaincue que les Etats-Unis auront plus de crédibilité et qu'ils seront en mesure de réaliser davantage de progrès dans les pourparlers de paix dans le rapprochement Turquie- l'Arménie, s'ils reconnaissent sans équivoque le génocide arménien, comme ses homologues de l'OSCE, de la France et de la Russie. L'affirmation des Etats-Unis de ce crime contre l'humanité comme cela a été indiqué par les États-Unis en 1951, est une longue souffrance.
En outre, le moment est aussi venu d'inclure directement le Haut-Karabakh dans les négociations. Toute résolution du conflit réalisée sous la médiation des coprésidents du groupe de Minsk de l'OSCE, doit être acceptée par le peuple du Haut-Karabakh, et doit prendre en compte son droit à l'autodétermination."
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"La réunion de Kazan a réaffirmé que le conflit du Karabakh doit être résolu par la négociation, et non par la guerre. La rhétorique militaire de l'Azerbaïdjan après la réunion de Kazan est destinée à son public. Les élections présidentielles sont approchent, et le Président Aliev brigue un nouveau mandat," a déclare le directeur du Centre pour la coopération mondialisée et régionale, Stépan Krikorian.
Kourken Yeghiazarian, du Parti Social-démocrate Hentchak décrit la réunion comme ‘un processus de coulisses'. "Cela a permis tout simplement de retarder la résolution pour quelques temps et il faut s'attendre maintenant à une autre vague. Il y aura probablement une autre réunion dans un proche avenir et un document sera signé. Le vrai processus, que nous ignorons, se déroule dans les coulisses."
Selon le politologue Souren Zolian, l'Azerbaïdjan a changé de stratégie et de tactique, il gagne du temps pour se lancer dans une nouvelle guerre.
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L'Artsakh s'inquiète de la dégradation du climat
S'exprimant avant le début de la parade militaire célébrant la Journée des Forces armées de l'Azerbaïdjan, le Président Ilham Aliev a souligné que l'Azerbaïdjan va poursuite la construction de sa puissance militaire. "Je suis absolument sûr que notre intégrité territoriale sera restaurée d'une façon ou d'une autre. À cette fin, nous devons être encore plus forts. Alors qu'en 2003, les dépenses militaires s'élevaient à 160 millions de $, en 2010 ils ont été de 2,15 milliards, et atteindront cette année les 3,3 milliards. Aujourd'hui, les dépenses militaires de l'Azerbaïdjan dépassent la totalité du budget national de l'Arménie de 50%." Et d'ajouter que les dépenses militaires continueront à rester la priorité dans le budget national jusqu'à ce que l'Arménie signe un accord de paix.
"La parade militaire du 26 juin à Baku, prouve une fois encore qu'il ne faut attendre de l'Azerbaïdjan aucune mesure constructive. Cette démonstration de force témoigne de la politique destructrice de Bakou," a déclaré le directeur du département Central d'information de la RHK, David Babayan, commentant sur la déclaration d'Ilham Aliev lors du défilé.
"De nouveau, Aliev a souligné que son territoire est occupé, que le Karabakh appartient à l'Azerbaïdjan et que l'Arménie s'est installée sur les terres historiques de l'Azerbaïdjan. Parallèlement l'orateur de la parade a indiqué à plusieurs reprises que l'Azerbaïdjan doit occuper Stepanakert et Chouchi. Dans ce contexte, il n'existe aucun motif pour s'attendre à quelque chose de constructif venant de cet Etat."
Selon lui, l'Azerbaïdjan veut montrer par là que tous les différends moyens de règlement pacifique sont épuisés et qu'il s'apprête à commencer une nouvelle guerre.
"Si Bakou avait assez de potentiel, il aurait déjà commencé la guerre. Aussi, il nous faut rester vigilent et espérer que l'Azerbaïdjan ne commencera jamais une nouvelle guerre. Ceci est un point de référence qui nous pousse à renforcer notre armée. Il sera très difficile de s'entendre avec ce pays, car il n'est pas prêt, vu le grand nombre de minorités nationales qui existent, à faire un compromis sur le droit des peuples à s'autodéterminer."
"Avant même la réunion de Kazan les représentants de l'Artsakh avait déclaré que la réunion ne donnera pas les résultats escomptés, notamment à cause de la politique destructrice de l'Azerbaïdjan. Les pays coprésidents du Groupe de Minsk de l'OSCE devraient commencer à s'inquiéter de cette politique de l'Azerbaïdjan."
Babayan a aussi noté que c'est devenu une tradition qu'à la veille des réunions trilatérales ou juste après, les représentants azerbaïdjanais, leur président en tête, sortent un programme de déclarations. À ce sujet, il a souligné la récente interview d'Ilham Aliev à la chaîne de télévision Euronews, où il a ouvertement dit qu'il n'avait rien de nouveau à proposer à l'Arménie, vu que le Karabakh est une "terre azerbaïdjanaise primordiale."
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"Les espoirs étaient très grands la veille du sommet de Kazan, aux dires des coprésidents du groupe de Minsk. Cependant, malgré la pression intense des médiateurs, le sommet de Kazan n'a pas donnée la percée attendue," ont déclaré dans un communiqué les Amis européens de l'Arménie (EuFoA).
"C'était prévisible et ce avant même que l'Azerbaïdjan ne soit pas d'accord avec les trois Principes de base proposé les pays médiateurs. Ainsi, ils refusent même le retrait des tireurs d'élite de la ligne de contact ou toute autre mesure susceptible d'apporter davantage de stabilité et de confiance. Au lieu de cela, l'Azerbaïdjan s'engage une nouvelle escalade militaire, où la question n'est plus de savoir ‘si' mais ‘quand et comment'. Suite à la parade militaire de dimanche à Bakou, le monde doit accepter que la rationalité ne soit plus la bonne base pour nos évaluations. Nous devons arrêter d'appeler les deux parties à progresser, quand visiblement un côté torpille tout progrès proposé et utilise ensuite le manque de progrès pour justifier une reprise de la guerre," a commenté le secrétaire général de l'EuFoA, Michael Kambeck.
Lors du défilé militaire du dimanche 26 Juin, l'Azerbaïdjan a affiché son matériel offensif militaire le plus récent, y compris des drones d'attaque sans pilotes, à longues portées. Le président azerbaïdjanais Ilham Aliev a saisi cette occasion pour réitérer ses menaces de guerre.
L'EuFoA estime que l'Europe doit se préparer dès maintenant et envisager plusieurs options pour dissuader Bakou de reprendre la guerre et l'inciter à la paix. De cette façon, une percée diplomatique deviendra plus probable. L'Europe doit cesser "d'appeler les deux parties" à de bonnes intentions en restant dans le vague et sans citer personne. Sinon, leurs déclarations auront comme conséquence plus d'escalade.
"L'Europe doit voir que la course aux armements dans le Karabakh a produit une situation différente par rapport à 1991, lorsque les parties en conflit utilisaient principalement les restes de l'armée soviétique. Si une nouvelle guerre avait aujourd'hui, très probablement qu'il y aura beaucoup plus de pertes humaines et une portée géographique incomparables avec 1991, ou avec la guerre russo-géorgienne de 2008," souligne la déclaration.
"L'Europe doit réaliser qu'une nouvelle guerre causera surement des dommages aux investissements dans le pétrole et l'industrie du gaz azerbaïdjanais et donc sur l'approvisionnement énergétique au sens large, entrainant des hausses consécutives sur les prix du brut. L'Europe doit lire les déclarations des dirigeants azerbaïdjanais et regarder l'armement azerbaïdjanais afin de comprendre leur hostilité contre la population du Karabakh, qu'ils ne considèrent pas comme la leur, mais simplement des intrus vivant sur leur territoire. Ce n'est pas de la théorie mais une vraie politique que l'Azerbaïdjan a mis en œuvre. Cette hostilité est actuellement le principal obstacle à une solution diplomatique."
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Extrait de Armenialiberty, de Radiolour et de PanArmenian.net