** Libre Opinion **
Le féodalisme arménien
Par Mooshegh Abrahamian
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Le FIASCO de la " campagne contre le négationnisme" est D'ABORD NOTRE ECHEC TOTAL. Il est le reflet de l'état catastrophique dans lequel se trouve notre communauté (voir à ce propos mon papier sur le net : Les fossoyeurs- ARMENEWS).
Nous appartenons à la sphère " privée" de la politique. Déjà dans les années 70, lorsqu'à un dîner d'édiles arméno-RPR parisiens, Chirac disait que le génocide avait bien existé, Bernadette s'empressait d'ajouter : ces propos sont " privés".
Nous avons d'innombrables " amis" de tous bords politiques, mais JAMAIS ces " amis" ne s'expriment PUBLIQUEMENT (à la télé, à la radio, dans les grands journaux) sur la question arménienne !
J'ai des amis arméniens ! Combien de fois n'avons-nous entendu cette formule qui ne sert qu'à masquer tous les abandons.
Est-il juste de dire : " la droite est contre nous, la gauche est avec nous" ?
La reconnaissance du génocide en janvier 2001 n'avait " pas réjoui" le " cabinet" (privé) de Jospin 1er ministre ( qui avait envoyé un sous-ministre - pour ne pas donner trop de publicité à l'évènement- exprimer l'opposition du gouvernement "de gauche").
Pierre Lellouche a rencontré (il s'est rencontré lui-même aussi !!!!!) beaucoup d'" anciens ministres, amis des Arméniens et de ministres, anciens amis des Arméniens" !!! (De droite comme de gauche).
Avant le vote, il ne s'est trouvé AUCUN dirigeant socialiste pour faire une déclaration PUBLIQUE approuvant la loi. Après les ignobles positions de Jack Lang et de Badinter ( es héros des droits de l'homme quand ceux-ci ne touchent pas les intérêts d'Israël) il ne s'est trouvé AUCUN dirigeant socialiste pour faire une déclaration PUBLIQUE condamnant les prises de position des nombreux socialistes contre la loi.
Sur la question du génocide comme sur celle du Karabakh, ici comme aux USA, nous avons été " massacrés" par la raison d'Etat, défendue DE LA MEME FACON par la droite et la gauche. Pire, la gauche ne s'est même pas opposée à "l'enterrement du Sénat" pour essayer d'en tirer des avantages électoraux.
Pourquoi cette volonté délibérée et persévérante de tous les gouvernants de ce pays de réduire la question arménienne au silence ?
Parce que la question arménienne est GENANTE pour l'Etat français.
Il est facile d'être « courageux » pour dénoncer le révisionnisme d'un Faurisson, c'est autre chose quand il a la forme de 2 Etats, l'un, la Turquie, client potentiel pour des gros contrats civils ou militaires, et l'autre, l'Azerbaïdjan, producteur de gaz et pétrole, et pièce maîtresse de l'Occident (Nabucco) pour détourner de la filière russe (Northstream et Southstream) les flux énergétiques fossiles de l'Asie Centrale.
La Turquie – et l'Azerbaïdjan- sont par ailleurs les seuls pays musulmans alliés d'Israël et il y a fort à parier que la loi reconnaissant le génocide arménien a été abandonnée contre le retrait – technique !!– du bateau turc Mavi Marmara de la flottille pour Gaza.
On peut affirmer sans risque de se tromper que la loi ne sera pas votée par la Knesset.
Partout les procédés sont identiques : les Arméniens des USA, d'Israël ou de France mobilisent leurs « Amis » politiques et au moment décisif, le sommet de l'Etat met son veto.
Ce fiasco était-il prévisible ?
Dès septembre 2007, j'avais alerté le CCAF à travers une lettre ouverte à Alexis Govcyan. Il n'y avait pas besoin des révélations de Wikileaks pour comprendre les intentions de Sarkozy. La suppression du référendum pour l'adhésion de la Turquie, les nominations de Kouchner et Jouyet aux Affaires étrangères, tous 2 partisans de l'entrée de la Turquie – telle qu'elle est – dans l'Europe rendaient une réaction nécessaire. Je proposais une campagne nationale pour mobiliser l'opinion publique et une demande de rendez-vous avec Sarkozy. Nous n'eûmes ni l'une ni l'autre.
Notre immobilisme et notre aveuglement ont un nom : féodalisme.
Pour faire infléchir la politique d'un Etat hyper-centralisé, nous en sommes encore au féodalisme.
Certains ont leurs copains à l'UMP, et d'autres au PS.
Chacun contacte ses « amis » et l'addition de ces « amis » est sensée suffire à atteindre l'objectif.
Point besoin de campagne nationale vers l'opinion publique, de faire le siège des ministères, des journaux, radios, télés.
D'ailleurs le CCAF est une coquille vide, ni secrétariat, ni même un no tél, chaque clan veillant jalousement à ce qu'il en soit ainsi.
On est d'abord Dachnak, UGAB, UCFAF (chacun avec ses organisations satellites) avant d'être CCAF.
Et devant le fiasco prévisible de ce comportement, au lieu de faire leur autocritique et de DEMISSIONNER de toutes leurs fonctions, les responsables de ce gâchis préfèrent incriminer les sénateurs, ou la droite.
Le comportement « familial » « clanique » « féodal » est criminel et doit DISPARAITRE.
Face à un Etat qui défend ses intérêts, diamétralement opposés aux intérêts du peuple arménien, il n'y a que 2 solutions, soit nous sommes « Français » et nous disparaissons une fois pour toutes, soit nous sommes d'identité arménienne avant d'être de citoyenneté française et nous défendons bec et ongles la survie du peuple arménien, ici et là-bas.
Attention : notre sommeil est proche du coma.
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Monteux le 29 juin 2011
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Mooshegh Abrahamian - Association ARA