La réponse des voisins de la Turquie sur sa politique de "zéro problème".


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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

Si à l’inverse des pays occidentaux, la Turquie réussit à traverser la crise financière et économique sans trop de dégâts, il n’en est pas de même des relations avec ses voisins. Des neuf pays l’entourant – Grèce, Bulgarie, Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan, Iran, Irak, Syrie et Chypre – sept ont un contentieux plus ou moins lourd avec elle, datant pour certains de l’empire ottoman. Tbilissi étant tributaire de la manne des pétrodollars azéris et des financements turcs pour laisser passer sur son territoire les pipe-lines et les voies de chemin de fer, garde un profil bas à la limite du phagocytage. Quant à Bakou, comme il n’y a pas grande différence entre les Turcs azéris et les Turcs ottomans, Aliev s’accroche à son grand frère espérant récupérer le Karabakh.

Alors qu’il aurait pu s’attirer la sympathie des pays musulmans, par sa politique pro-occidentale et surtout pro-américaine, mais également comme base avancée de l’OTAN, Ankara s’est vu refermer les portes de ses coreligionnaires et le  ‘zéro problème’ s’est transformé en ‘pleins de problèmes’. La philosophie ‘néo-ottomane’  du ministre Davutoglu a fait long feu.

Pire encore, en plus du loupé sur le plan extérieur, le ‘zéro problème’ l’est également sur le plan intérieur. Epinglé plusieurs fois par la Cour Européenne des Droits de l’Homme sur ses manquements à la démocratie et à la liberté d’expression, Ankara se rattrape sur les Kurdes, les faisant passer pour des terroristes, ce qui lui permet de s’attirer la sympathie des pays occidentaux, qui en profitent au passage pour lui vendre armes et conseils. L’hypocrisie politique à l’état brut.

Et dire qu’avec tous ces ratés, l’hebdomadaire américain ‘TIME MAGAZINE’ voudrait décerner à Recep Tayyip Erdogan le titre d’Homme de l’année ! Mais c’est vrai que cela concerne "celui ou celle qui a le plus influencé les événements de l'année, pour le meilleur ou pour le pire."


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Le désir irrépressible du Premier ministre turc à vouloir jouer un rôle majeur dans la région a finalement conduit l'Iran et la Syrie à des déclarations très désagréables à l’adresse d’Ankara. Tout comme l'Iran, la Syrie a également clairement indiqué la possibilité d'une frappe militaire contre la Turquie si la situation se dégradait. Le commandant en chef de la Garde révolutionnaire iranienne a déclaré que la République islamique va cibler les installations de défense antimissile de l'OTAN de Turquie, au cas où les Etats-Unis et Israël décidaient d'attaquer les installations iraniennes.

Selon les médias, le général Amir Ali Hajizadeh, le chef des Gardiens de la ‘division aérospatiale’, a déclaré que la mise en garde fait partie d'une nouvelle stratégie de défense pour contrer ce qu'il décrit comme une augmentation des menaces venant des États-Unis et d’Israël. Il était clair que la Turquie se rangera du côté des Etats-Unis et d’Israël, surtout après qu'elle a accepté d'installer des systèmes de défense antimissile de l'OTAN sur son territoire. L’avertissement de l'Iran prouve une fois de plus qu’Ankara ne bénéficie pas de l'influence qu'il continue de déclarer avoir. La politique notoire du "zéro problème" est, en effet, devenu un problème pour la Turquie elle-même et frise un échec complet, ce à quoi elle ne s’attendait pas. L'auteur de cette politique, le ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu, a dans sa conclusion, évidemment mis en avant la puissance de la Turquie à dicter ses conditions au Grand Moyen-Orient. Le ‘printemps arabe’ n'a rien apporté à la Turquie, sinon de la frustration en voulant influencer les ‘révolutions’ en sa faveur. La victoire quasi totale des islamistes dans ces pays, qui sont évidemment beaucoup plus radicaux que le Parti Justice et Développement (AKP), en est la preuve. Quant à l'Iran, malgré les «relations fraternelles» et la quasi abolition du régime des visas, continue de tenir Ankara à distance, ce qui signifie que la Turquie n'est que le conducteur de la politique américaine dans la région, et peu importe le nombre de fois que M. Erdogan ait parlé "d'indépendance".

Dans le même temps, la Syrie aussi a listé ses griefs envers la Turquie. Press TV - réseau de télévision iranienne en langue anglais - se référant aux sources turques, a déclaré que la Syrie avait pointé ses SCUD, de fabrication russe, vers la Turquie. Les missiles étaient déployés du côté de Kamishle et d’Ayn Diwar, près des frontières turque et irakienne. C’est la conséquence de l’intensification de la  rhétorique d’Ankara contre le gouvernement syrien. Des rapports indiquent également que la Turquie hébergerait des groupes armés syriens d'opposition. Il n'y a pas très longtemps Erdogan avait publiquement déclaré son amour pour Bachar al-Assad et son désir d’établir une petite Union européenne au Moyen-Orient. Le plan a échoué. Il ne pouvait pas réussir, trop grandes étaient les différences tant sur le fonctionnement que sur les objectifs, particulièrement en Syrie, au Liban, en Irak, voire en Turquie. La seule chose que ces pays ont en commun est la menace kurde et l'établissement d’un Kurdistan indépendant. Certes, il y a aussi l'ennemi commun - Israël. Mais l'Etat juif est classé comme ennemi № 2 pour l'Iran, et Téhéran a déjà fait un mantra les mots comme «complot sioniste» ou «sioniste», dont le but est la destruction de l'Iran ... avec des déclarations péremptoires, prêtés au ministre iranien de la Défense, Ahmad Wahidi, du type : «Si les sionistes osent attaquer les installations militaires de l'Iran, ils recevront 150.000 missiles en retour."

Cependant, il faut souligner que la situation dans la région n’est plus aux mains des rebelles eux-mêmes, et que ni la Turquie ni l'Iran ne sont capables d'améliorer la situation. L'Iran évite prudemment toute ingérence dans les affaires intérieures de la Libye, de la Tunisie ou de l'Egypte, ce qui n'est pas le cas de la Turquie. En retour, Ankara reçoit des ambassades et des missions choquées, ce qui illustre bien le ressenti des Arabes envers les Turcs. Le soutien de la Turquie pour la Ligue des États arabes (LEA) avec sa position sur la Syrie, n’est pas bon pour elle. Au pire, le président Assad pourrait lancer quelques SCUD sur la Turquie, ce qui signifierait que la guerre dans la région est entrée dans une phase active. Mais ce serait une guerre sans vainqueurs, ou plutôt, les gagnants seraient outre-Atlantique, voire dans le grand pays au-delà du Caucase. En clair, il est presque impossible de réaliser l'unité arabe ou l’unité musulmane - trop différents sont les tribus et leurs intérêts.