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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires
Il y a comme cela des procès fleuves qui n’en finissent pas,
celui de Hrant Dink en fait partie. Non parce que l’affaire est complexe, mais
plus simplement parce que la victime est d’origine arménienne, que les
assassins (présumés) sont Turcs et que les commanditaires sont des
nationalistes hauts placés, pour ne pas dire plus.
Il n’est pas bon pour l’image de la Turquie, fortement
écornée en Occident par ses dérives anti-démocratiques et anti-libertaires, de
faire figure de nationaliste et de sectaire, surtout quand le dit pays vient de
commencer les négociations d’adhésion avec l’UE. Attraper le ‘lampiste’,
exécuteur des basses œuvres, n’a certes pas été trop difficile pour un Etat
policier, mais de là à désigner les vrais coupables, c’est une autre histoire,
surtout quand ces derniers sont des VIP des cercles étatiques.
Si le premier ministre Erdogan fait la chasse depuis quelques
années aux membres de l’Etat profond, composé essentiellement de militaire hauts
gradés, en activité ou en retraite, proches et garants des idées laïques d’Atatürk,
et plus généralement à toute organisation susceptible de mettre à mal sa
politique intérieure et surtout extérieure, tel le réseau Ergekon, il n’en est
pas du tout de même des groupes ou groupuscules nationalistes qui défendent bec
et ongle la ‘turquicité’, entendez par là la fierté et l’identité turque. Les
loups Gris en sont l’exemple parfait, qui vivent en toute impunité et qui sont
pour la Turquie ce qu’étaient les escadrons de la mort pour l’Amérique latine.
Aussi, rien d’étonnant que le procès dure depuis cinq ans.
Quant à mettre des dirigeants en examen, ce n’est pas demain la veille, ni même
après-demain, et ce d’autant que le récent vote par l’Assemblée nationale française
sur la pénalisation du déni de génocide va exacerber les esprits du citoyen turc,
qu’il soit juge ou juré, ou même simple quidam. J’exclue bien évidemment les
quelques intellectuels turcs qui ont le courage de leurs opinions à contre-courant
du discours officiel.
Il faudrait peut-être de temps à autres, mettre Ankara face
à ses propres contradictions, et qu’avant de faire la morale aux autres, les
dirigeants turcs feraient bien de balayer préalablement devant leur Porte, même
si elle n’est plus Sublime.
C’est ce que n’a pas manqué de faire le député autrichien du
groupe BZÖ, Ewald Stadler. (Voir la vidéo).
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"Cinq ans après le meurtre du journaliste Hrant Dink, les
preuves liées à aux véritables auteurs du crime sont toujours masquées. Depuis 2008
nous demandons les dossiers des appels téléphoniques émis le jour de
l'assassinat dans le voisinage du lieu du crime. Le tribunal nous les a envoyé
que très récemment, et plus précisément une semaine avant que le dossier ne soit
clos. Par ailleurs, la police a fourni des informations trompeuses au tribunal
concernant les relevés téléphoniques, "a déclaré aujourd'hui l’avocate de
la famille Dink, Fethiye Cetin, au quotidien Zaman lors de la 24ème
audience du procès, qui a repris mardi à la 14ème Chambre Criminelle
d’Istanbul (Beşiktaş).
Le suspect Yasin Hayal a demandé la parole et a indiqué avoir
été agressé et menacé par des gardiens de la prison. "Alors que la presse
est ici, je veux que le monde entier sache que l'Etat turc a bénéficié de ma
pauvreté et mon inexpérience. Et maintenant, ils essaient de me supprimer. S'il
vous plaît notez cette date, je commence une révolte."
Depuis le meurtre en plein jour le 19 janvier 2007 à Osmanbey
(quartier d’Istanbul) du rédacteur en chef de l’hebdomadaire turco-arménien d'Agos,
Hrant Dink par un adolescent ultranationaliste devant les bureaux de son
journal, l'enquête piétine. Si l'auteur présumé et ses complices ont été arrêtés,
ceux qui ont commandité le complot ne sont toujours pas désignés et encore
moins inquiétés.
Me Cetin a indiqué que, contrairement à l'enquête de police,
qui n'a pas trouvé le jour de l'assassinat de conversations téléphoniques entre
les suspects, les avocats de la famille Dink ont trouvé avec leurs ressources
limitées, au moins cinq numéros de téléphone portable appartenant à des gens
qui étaient présents sur la scène du crime et qui ont été directement liés à
Mustafa Öztürk et Sahil Hacısalihoglu, deux des suspects dans l'enquête.
La Direction des Télécommunications (TIB) a déclaré au
tribunal que 6235 conversations téléphoniques ont eu lieu dans les environs au
moment du meurtre, et que 9300 personnes avaient des portables dans la région. Elle
a également déclaré que leurs dossiers n'ont montré aucun lien avec des
téléphones cellulaires.
"La Déclaration de TIB est fausse. L’un des numéros
attribués à un téléphone cellulaire présent dans la zone à ce moment, a été utilisé 19 fois par un certain
Mustafa Ozturk entre le 22 octobre 2005 et le 27 Janvier 2007, soit environ
deux ans avant l'assassinat," a souligné l’avocate, et d’accuser la police
d'Istanbul d’avoir trompé les institutions judiciaires et d’occulter les
preuves pour empêchant la vérité de se faire jour.
Interrogée sur ce qu'elle attend de la décision du tribunal
la semaine prochaine avant le rendu du jugement, Me Çetin a répondu que la
famille exigeait des peines à perpétuité pour les instigateurs de l'assassinat,
sans possibilité de libération conditionnelle. "Il appartient au tribunal
de statuer. Le tribunal va bientôt rendre son verdict avec une possible décharge,
vu que le procès dure depuis près de cinq ans maintenant."
Selon les défenseurs de la famille de Hrant Dink, la
bureaucratie et les institutions freinent la résolution dans son intégralité
parce qu'il y a un manque de volonté politique de poursuivre l'enquête.
Après le verdict par la 14ème Chambre Criminelle d’Istanbul,
l'affaire Dink est susceptible d’être portée devant la Cour d'Appel suprême. "Le
tribunal d'Istanbul a demandé la poursuite afin d'examiner les dossiers du TIB de
manière plus approfondie. S'il y a de nouvelles preuves, l'affaire pourrait
être rouverte avec un acte d'accusation supplémentaire," a déclaré Me
Cetin.
La prochaine audience est prévue pour le 19 Janvier prochain,
date anniversaire de l’assassinat. "Tous les avocats de la défense doivent
être présent à cette audience. Je compte rendre mon verdict," aurait
déclaré le Président de la Cour, Rustem Eryilmaz.
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* Brève APCE *
Les co-rapporteurs, Axel Fischer (Allemagne, PPE/DC) et
John Prescott (Royaume-Uni, SOC), de l'Assemblée Parlementaire du Conseil de
l'Europe (APCE) pour le suivi de l'Arménie, se rendront à Erevan les 16 et 17
Janvier.
Ils rencontreront le président Serge Sarkissian, celui de l’Assemblée
nationale, Samuel Nikoyan, le ministre des Affaires étrangères, Edouard
Nalbandian, celui de la Justice, Hraïr Tovmassian, ainsi que le président de la
Commission électorale centrale, Tigrane Moukouchian. Des rencontres sont
également prévues avec des représentants des partis politiques, des autorités
judiciaires, avec la délégation arménienne à l'APCE ainsi qu’avec les ONG.
Les discussions porteront essentiellement sur le suivi de
l'APCE de la Résolution 1837 de 2011 portant sur les dix victimes des événements
du 1er Mars 2008, sur la création d'un mécanisme indépendant de plaintes
contre la police, sur la surveillance civile sur la police, sur les préparatifs
pour les élections parlementaires de 2012, ainsi que sur les domaines
prioritaires de la procédure de suivi.
"Une des missions principales des co-rapporteurs
concernera les prochaines élections législatives et plus particulièrement le
respect du pluralisme des opinions", a déclaré Mme Zohrabian, membre de la
délégation arménienne de l’APCE.
* Brève Etats-Unis *
"Les Etats-Unis continueront à encourager la
normalisation des relations entre la Turquie et l'Arménie," a déclaré
mercredi le Secrétaire d'Etat adjoint, Philip Gordon, parlant à la Fondation
Körber (Berlin) lors d’une réunion sur la coopération transatlantique. Il a
également souligné que les efforts conjoints avec l'UE et avec d'autres
partenaires internationaux ont permis de progresser, en dépit des différends
territoriaux, et surtout de la nécessité de poursuivre les réformes politiques
et économiques, obstacles qu’il faut surmonter pour assurer une plus grande
stabilité.
"Notre engagement et notre assistance continue à la
Géorgie ont favorisé son développement démocratique, tout en maintenant
fortement notre soutien à l'intégrité territoriale et à la souveraineté de la
Géorgie. Les Etats-Unis et l'UE ont appuyé la médiation suisse entre la Géorgie
et la Russie qui a ouvert la voie à l’entrée de la Russie dans l'OMC en
Décembre dernier. Ailleurs dans la région, nous continuerons à faire pression
pour des réformes démocratiques et une ouverture de l'espace politique, pour
que les droits de l’homme et les libertés fondamentales sont pleinement
respectés ; nous encouragerons la normalisation entre la Turquie et l'Arménie, ainsi
que notre engagement à travers le Groupe de Minsk pour aider l'Arménie et
l'Azerbaïdjan à trouver un règlement durable et pacifique au conflit du Haut-Karabakh."
* Brève Bulgarie *
La dernière tentative du Parti ultranationaliste bulgare,
Ataka, demandant le 11 Janvier dernier au Parlement de reconnaître le génocide
arménien, a échoué ; indique The Sofia Echo.
Des municipalités bulgares - telles Plovdiv, Varna, Bourgas ou
Stara Zagora - ont approuvé des résolutions reconnaissant le génocide arménien,
mais au fil des ans, des résolutions similaires déposées au Parlement, ont
échoué ; ce fut le cas avant-hier à l'Assemblée nationale (législature
monocamérale).
Le leader d'Ataka, Volen Siderov, a déclaré :
"Pour un parti patriotique dont la plate-forme comprend un ensemble de
positions antiturques, suite à des siècles de domination ottomane de la
Bulgarie, il était naturel qu’il reconnaisse le génocide arménien. Et ce, pour
masquer certains aspects de l'histoire, parce qu'ils ne sont pas reluisants,
pour vous en tant que pays, sont, pour moi, de la démagogie."
Il a ajouté que la Résolution n’est pas une tentative de
politiser la question ou d’empiéter le champ de l'histoire, mais est avant tout
une proposition basée sur la raison, et sur la nécessité de reconnaître les
moments désagréables de l'histoire.
Le Mouvement pour les Droits et les Libertés, un parti
minoritaire dirigé et soutenu pour l'essentiel par les Bulgares d'origine
turque, s'est fermement opposé à ce que le parlement traite de la question :
"Ce n'est pas du ressort du Parlement de décider de la vérité historique.
Le projet de Résolution avait pour but de forcer le passage pour un point de
vue donné," a déclaré le député Lyutvi Mestan.
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Extrait de Radiolour et de PanArmenian