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Traduction Gérard Merdjanian – commentaires
Pour certains parlementaires français, les génocides doivent
être hiérarchisés. Il y a les bons génocides, c’est à dire ceux qui méritent
que leurs négateurs soient considérés comme des criminels et poursuivis au
pénal, et les autres. Pour les autres, une simple poursuite au civil est
suffisante, au même titre qu’un délit quelconque.
Pour ce faire, un certain nombre d’arguments fallacieux sont
avancés :
-
Ce n’est pas au parlement d’écrire l’histoire,
-
C’est réprimer le droit à la libre expression,
-
C’est empêcher les chercheurs de pouvoir
travailler librement,
-
C’est une loi électoraliste à la veille des
élections,
-
La France va se mettre la Turquie à dos, perdre
un certain nombre de marché et dégrader encore plus sa balance commerciale.
Malgré que ces points de discordes aient été repris un par
un et contrargumentés par des juristes, des experts ou des universitaires dans
les quotidiens et hebdomadaires nationaux, des dizaines de sénateurs et de
députés, dépités que leurs argumentaires n’aient pas été retenus par leurs
collègues, font tout leur possible pour casser la loi par la saisine du Conseil
constitutionnelle avant sa promulgation d’ici une dizaine de jours.
Si pour la majorité de ces élus insatisfaits, cette démarche
relève de leur profonde conviction sur les points précités, ce qui est tout à
fait leur droit, mais les autres cette démarche relève en fait de motifs plus
profonds et difficilement avouables. Ce n’est pas pour rien que l’on trouve
parmi ces derniers les membres des groupes parlementaires d’amitié
France-Turquie et France-Azerbaïdjan, ou des inconditionnels invétérés de
l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.
Ces gens-là n’ont rien à faire de l’Arménie, des Arméniens
et de leur génocide vieux d’un siècle ; considérés comme des empêcheurs de
tourner en rond face au modèle démocratique de la région. L’important pour eux
est que la belle et grande Turquie moderne rejoigne au plus vite l’UE !
***
*
Le ministre arménien des Affaires étrangères, Edouard
Nalbandian, a effectué le 26 Janvier une visite de travail en Lituanie. Il s'est
entretenu avec le Premier ministre, Andrius Kubilis, son homologue, Audronius
Ažubalis, le Vice-président du Parlement, Yurshenas Cheslovas ainsi que le
Vice-président du groupe d'amitié parlementaire Arménie-Lituanie, Kasheta Algis.
Les interlocuteurs ont échangé leurs vues sur la coopération
UE-Arménie, les programmes mis en œuvre dans ce cadre, et les questions liées
au Caucase du Sud. Concernant le conflit du Karabakh, le ministre lituanien des
Affaires étrangères a réitéré son soutien pour un règlement pacifique des
problèmes par des négociations dans le cadre du Groupe de Minsk de l'OSCE.
Lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue
lituanien, Edouard Nalbandian a exprimé sa gratitude à la Lituanie pour
l'adoption en 2005 de la résolution sur le génocide arménien.
"Les arguments de la Turquie ne résistent pas aux
critiques. Ils disent que le projet de loi adopté par le Sénat français entrave
le processus de normalisation des relations arméno-turques. Cependant, il est
clair pour tous que c'est seulement la Turquie qui empêche que la
normalisation. La Turquie affirme que le droit français écrit l'histoire.
Malheureusement, les pages noires de l'histoire tragique de notre nation ont
déjà été écrites, et le seul moyen de tourner ces pages est la reconnaissance
et la condamnation de ce crime contre l'humanité.
Le projet de loi adopté par le Sénat français n'est pas
dirigé contre un Etat en particulier, aussi, la réaction de la Turquie est une nouvelle
preuve de la politique étatique de ce pays dans le déni."
Audronius Ažubalis a indiqué pour sa part que : "Tôt
ou tard, l'histoire frappe à la porte du présent, et nous devons l'ouvrir. Nous
devons regarder l'histoire en face et évaluer la réalité de manière ouverte,
transparente et équitable. Sans cela nous n'aurons jamais la paix et des
relations interétatiques stables. C'est pourquoi je pense que ce droit, ce sont
les politiciens qui doivent dire que l'histoire doit être discuté, alors que
ceux qui disent que l'histoire devrait être laissé aux historiens, ont tort. La
méfiance dans les relations bilatérales existera jusqu'à ce que nous ayons
réglé les comptes avec le passé."
**
* Génocide arménien : Les Etats-Unis persistent et
signent *
"La Turquie doit faire face avec les fantômes du passé
si elle veut devenir l'une des dix meilleurs économies du monde d'ici
2023," a déclaré l'ambassadeur américain à Ankara, Francis Ricciardone, et
de poursuivre :
"Tout grand pays a des moments brillants de son passé
dont il est fier, et des moments de douleur. Nous pensons que les historiens
doivent débattre de cette question de manière ouverte et honnête afin que vous
puissiez arriver à une reconnaissance complète et franche de ce qui s'est
passé. Nous croyons que vous commencez à le faire.
Nous voudrions voir nos amis de s'entendre et nous espérons
que vous surmonterez ce différend. Il doit y avoir un dialogue. Vous devez
obtenir que les historiens des deux côtés se rencontrent. J'ai été heureux de
voir que depuis que je suis revenu en Turquie l'an dernier, il y a beaucoup
plus de discussions et de débats publics. Ce n'est plus une boîte fermée.
Les Turcs ont une plus grande confiance maintenant à vouloir
regarder le passé, ils doivent se pencher sur ce chapitre douloureux, et
décider de sa signification. Il y a plus de contact entre les Turcs et
Arméniens pour débattre sur cette terrible période. Alors nous vous soutenons
et nous espérons que vous aboutirez."
(…)
Mme Clinton en réponse à une question, posée lors de
"l’Assemblée publique sur la diplomatie quadriennal et la Revue du
Développement" du 26 Janvier, concernant la reconnaissance par les
Etats-Unis du génocide arménien dans le cadre de la récente adoption par le
Sénat français de la loi pénalisant le déni de génocide, a déclaré :
"Je pense qu'il est juste de dire que cela a toujours
été vu ainsi, et que très sincèrement c’est un sujet de débat et de conclusions
historiques plutôt que politiques. Je pense que c'est la posture juste que le
gouvernement des Etats-Unis doit tenir, car quels que soient les événements
terribles ou les vives émotions que ceux-ci représentent, essayer d'utiliser le
pouvoir du gouvernement pour résoudre les problèmes historiques, est je pense,
une porte très dangereuse à franchir. Nous devons encourager quiconque, de quel
que bord que ce soit ou quel que soit le débat historique, de le faire dans le
cadre des idées. Donc, la question est très sensible, et je reconnais que j'ai
une grande sympathie envers tous ceux qui sont fort justement passionnés par le
sujet."
Le Comité National Arménien d'Amérique (ANCA) a vivement
critiqué les remarques de la secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, qui a classé
aujourd'hui le massacre de 1,5 million d'Arméniens comme un "débat
historique", et a soutenu que la reconnaissance américaine de ce crime
ouvrirait une "porte dangereuse."
"L'Administration Obama-Biden avec les dernières
remarques de Mme Clinton, continue de se creuser un trou de complicité toujours
plus profond, dans le déni du génocide de la Turquie. C'est un triste spectacle
que de voir Mme Clinton se cacher derrière des appels cyniques aux chercheurs -
l'écrasante majorité d'entre eux a déjà parlé avec force contre les dénis du
génocide arménien par la Turquie - pour détourner l'attention du président
Obama, du vice-président Biden sur leurs propres promesses de reconnaître ce
crime et, plus largement, pour détourner l'attention sur l'échec de la Maison
Blanche à l’encontre de son obligation morale de se dresser contre le veto d'un
gouvernement étranger sur notre défense des droits de l’homme," a déclaré
le directeur exécutif de l'ANCA, Aram Hamparian.
"Les références infondées et offensives de la Secrétaire
pour un «débat historique» concernant le génocide arménien ne fait
qu'encourager les négations du gouvernement turc, lequel vient de prendre des
mesures en vue d'expulser les Arméniens", a poursuivi Hamparian, faisant référence
aux décisions d’Ankara de revoir sa politique d'immigration, d’expulser tous
les immigrants, notamment arméniens, dont le séjour n’est plus valide.
Les remarques de Mme Clinton sont totalement à l’opposé de
ses déclarations d’il y a quatre ans, jour pour jour, en tant que sénatrice. Elle
se vantait alors qu'elle était "la seule parmi les candidats à la
présidentielle" à avoir parrainé la résolution sur le génocide arménien et
avait promis ensuite que : "En tant que président, je reconnaîtrais
le génocide arménien. Notre morale commune et la crédibilité de notre nation
comme une voix importante pour les droits humains nous mettent au défi de
s'assurer que le génocide arménien soit reconnu et commémoré par le Congrès et par
le président des États-Unis."
**
* Brève Turquie *
"La Turquie soutient l'exclusion de la France de la
coprésidence du Groupe de Minsk de l'OSCE, puisqu’avec l’adoption de la loi
pénalisant le déni du génocide arménien, Paris a perdu son objectivité. S'il y
a deux nations impactées d’aucune façon par le conflit arméno-azerbaïdjanais,
ce sont la Turquie et la Russie. (ndlt :
on croit rêver).La Turquie n'est pas dans ce processus, tandis que la
France l’est. Dans le cadre de la visite au Sud-Caucase, M. Sarkozy est resté
deux jours en Arménie, tandis qu’il a passé quelques heures seulement en
Azerbaïdjan. C’est la preuve de sa partialité," a déclaré le ministre turc
des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu.
Le ministre a ajouté que si la France reste coprésidente du
Groupe de Minsk, la Turquie devrait également devenir coprésidente.
* Brève APCE *
L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté
une déclaration écrite, pour attirer l'attention sur le fléau qu’est l'impunité
persistante de la Turquie. La déclaration, portant les signatures de 35
délégués de 24 pays, marque le cinquième anniversaire de l'assassinat de Hrant
Dink par l'État turc et appelle à la reconnaissance des génocides arménien, assyrien
et grec pontique.
"Le Code pénal et la loi antiterroriste continuent
d'entraver sérieusement la liberté d'expression en Turquie. Les dispositions de
ces textes de loi ont été appliquées de manière disproportionnée pour limiter
la liberté d'expression, et notamment celle des journalistes, des médias et les
éditeurs.
Les amendements adoptés jusqu'à présent par la Turquie sont insuffisantes
pour faire face aux causes profondes des violations du droit à la liberté
d'expression, relevées par la Cour européenne des Droits de l'Homme. Nous
exprimons notre préoccupation particulière concernant l'utilisation des
dispositions sur la diffamation civile et pénale et invitons les personnalités
publiques de s'abstenir d'engager des poursuites qui entrainent des effets néfastes
sur la liberté des médias.
Nous considérons que les autorités turques devraient revoir
d'urgence l'Internet, la radio et la télévision, en particuliers, et
reconnaître que la censure systématique de ces médias et le blocage des sites Internet
par les autorités administratives compétentes, sont au-delà de ce qui est
nécessaire dans les sociétés démocratiques.
Concernant l’assassinat de Hrant Dink, un défenseur de la
liberté d'expression, nous exhortons les autorités à redoubler d'efforts pour
protéger efficacement les journalistes de la violence et de l'intimidation.
Nous sommes préoccupés du déni continuel par les autorités
turques du Génocide des Arméniens, des Grecs pontiques et des Assyro-Chaldéens,
et par l'utilisation de l'article 301 du Code pénal pour persécuter de façon criminelle
les journalistes et les écrivains.
Nous condamnons fermement les violations permanentes par les
autorités de la Turquie, de leurs obligations internationales."
* Brève UE *
La huitième séance plénière des pourparlers entre l'Arménie
et l'UE sur l'accord d'association a eu lieu à Bruxelles les 25 et26 Janvier.
La délégation arménienne était dirigée par le vice-ministre des Affaires
étrangères Zohrab Mnatsaganian. Du côté européen, c’est Gunnar Wiegand,
directeur pour la Russie, pour le partenariat oriental, pour l’Asie centrale, pour
la coopération régionale, pour l'OSCE, et pour le Service des Activités hors
d’Europe, qui menait les débats.
Les parties ont noté des progrès considérables sur les
questions de coopération des principaux objectifs. Les parties ont exprimé
l'espoir que les négociations sur la création d'une Zone de libre-échange
approfondi et global commencera lors de la séance plénière suivante (fin Mars).
Un accord a été conclu sur le lancement des pourparlers sur la facilitation du
régime des visas d'ici la fin Février.
* Brève OSCE *
Le Vice-ministre arménien des Affaires étrangères, Achod
Hovaguimian a reçu, le Représentant spécial du Président de l'OSCE en exercice
pour le Caucase du Sud, l'Ambassadeur Patrick Murphy, arrivé en Arménie dans le
cadre d'une visite régionale.
Les derniers développements dans les négociations sur le
règlement du conflit du Karabakh, en particulier la mise en œuvre des mesures
de confiance, ont été au centre des discussions.
Le lendemain, Patrick Murphy s’est envolé pour Bakou pour
une visite de deux jours.
L'objectif principal de la visite est la préparation de la
visite du président par intérim de l'OSCE, le règlement du conflit de Haut
Karabakh, ainsi que la question sur l'éventuel retrait de la France du Groupe
de Minsk.
(…)
Le Conseil politique du Parti Solidarité Civile (PCS)
d'Azerbaïdjan a demandé aux autorités du pays de reconsidérer les relations
avec la France, ainsi que la coprésidence de la France dans le Groupe de Minsk
de l'OSCE après l'adoption par le Sénat français du projet de loi pénalisant la
négation du génocide arménien.
* Brève Haut-Karabakh *
Le 26 Janvier, conformément aux accords, la Mission de l'OSCE
s’est rendue sur la ‘ligne de contact’ entre les forces armées du Karabakh et celles
de l’Azerbaïdjan, près du village de Garmiravan dans la région de Mardakert.
Aucune violation du régime de cessez-le-feu n’a été relevée.
* Brève ‘Editeur & Maison d’édition’ *
"De nombreux médias ont payé cher leurs papiers sur les
aspirations démocratiques ou sur les mouvements d'opposition. Le contrôle des
nouvelles et de l'information ont continué à pousser les gouvernements à ce que
cela devienne une question de survie pour les régimes totalitaires et
répressifs," indique le magazine ‘Editeur & Maison d’édition’. Le
rapport donne le classement des pays vis-à-vis de la liberté de la presse.
Ainsi, l'Arménie occupe la 77ème place avec 27
points, la Géorgie avec 38 points, occupe la 105ème place. La
Turquie se place en 148ème position quant à l’Azerbaïdjan, il est
relégué à la 162ème place avec 87,25 points.
En tête de liste, on trouve les pays nordiques - Norvège (9
points) et Finlande (10 points).
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* Le coin des experts *
* Richard Guiragossian
"Le projet de loi adopté par le Sénat français peut
faire revenir la Turquie à la table des négociations avec l'Arménie. A cela deux
motifs : la Turquie souhaite utiliser les négociations avec l'Arménie pour arrêter
le processus de reconnaissance du génocide arménien – ou alors, elle va tenter
d'échapper à ses propres problèmes de politique étrangère. De plus, Ankara doit
arriver à comprendre que la patience de l'Arménie n'est pas infinie.
D'ailleurs, l'Arménie pourrait changer d'avis et décider de négocier elle
aussi, avec des conditions préalables," a déclaré le directeur du Centre
d'Etudes Régionales, Richard Guiragossian.
L’analyste considère que si Vladimir Poutine arrive au
pouvoir en Russie, les méthodes de règlement du conflit du Karabakh pourraient
fortement changer. Selon lui, M. Poutine est beaucoup moins tolérant et ses
efforts de médiation peuvent se limiter à l'organisation de réunions entre les
Présidents de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan, et à faire pression sur les deux
parties.
Richard Guiragossian a rappelé qu’un officier azerbaïdjanais
s’est rendu aux forces arméniennes et qu’une tentative d’assassinat avait été
organisée contre l'ambassadeur d'Israël. Cela signifie que l'Azerbaïdjan est
une source de danger en raison de son instabilité, contrairement à l’Arménie,
qui est un partisan de la paix et de la stabilité.
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Extrait de Radiolour et de PanArmenian