Sud-Caucase : Les Occidentaux inquiets




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Traduction Gérard Merdjanian - commentaires

Si les contacts entre les dirigeants occidentaux - que ce soit les membres de l’UE, les Etats-Unis ou l’OTAN, et les trois pays du Sud-Caucase s’intensifient, ce n’est pas uniquement à cause de la sécurisation des futures livraisons de gaz azerbaidjanais. Le comportement de l’Iran avec en corolaire la réaction d’Israël, font craindre le pire.

L’élaboration de scénarios catastrophes va bon train. Si la Géorgie et l’Azerbaïdjan sont prêts à fournir aide et assistance aux Occidentaux et notamment en laissant l’OTAN utiliser leurs bases, il est très peu probable que Erevan suive le même chemin. D’une part parce que ses relations avec Téhéran sont au beau fixe et d’autre part parce que sa Défense repose en quasi totalité sur des Accords militaires avec Moscou.

Toutefois, même en restant neutre, l’Arménie risque fort de se trouver dans la tempête à son corps défendant. Le premier impact sera économique, car même si 70% de son trafic commercial transite par la Géorgie, le reste passe essentiellement par Meghri, c'est-à-dire par sa frontière avec l’Iran, et notamment pour les approvisionnements énergétiques. Même s’il existe un commerce avec la Turquie, par Géorgie interposée, ce n’est pas cela qui fait vivre l’Arménie. Le second impact sera du aux effets collatéraux, quel sera le comportement de Tbilissi dans une situation de semi-guerre ? Mais surtout que fera Bakou ? Aliev profitera-t-il de la situation pour mettre enfin à exécution ses menaces et essayer de reprendre le Karabakh ? Que fera la Turquie en tant que base et nœud stratégique de l’OTAN, profitera-t-elle aussi de la situation pour régler ses problèmes avec les Kurdes, ou pire envoyer quelques missiles ‘malencontreusement’ sur le Karabakh alors que c’était l’Iran qui était visé ? Que fera Moscou dans ce cas ?

Même si cela fait beaucoup de questions, ce sont des paramètres qu’il ne faut pas négliger quand on est un politicien. Si de surcroit, on est joueur d’échec comme l’est le président Serge Sarkissian, on prévoit plusieurs coups à l’avance avec différents cas de figures. Une question reste toutefois en suspend : Quand cela va-t-il se produire ?

"Le devoir des grands Etats est de servir et non de dominer le monde" (Harry S. Truman)



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"Le statu quo dans le conflit du Haut-Karabakh ne peut pas durer et l'Arménie doit être particulièrement intéressée par sa résolution pacifique ; Et les avantages escomptés d'un règlement pacifique seront grands pour toutes les parties, en particulier pour l'Arménie. Par conséquent, une solution de compromis au conflit doit être cherchée dans le cadre du Groupe de Minsk de l'OSCE," a déclaré jeudi le ministre des Affaires étrangères allemand, Guido Westerwelle, en visite en Arménie.

Le ministre a rencontré le Président Serge Sarkissian et son homologue Edouard Nalbandian. Ils ont discuté des relations bilatérales, du conflit du Karabakh et des développements dans l'ensemble de la région.

Westerwelle a confirmé le soutien de l'Allemagne aux principes de base proposés par les trois puissances médiatrices. Il a déclaré que le conflit doit être résolu sur la base d'un "équilibre entre les principes d'intégrité territoriale et l'autodétermination des peuples."

Après que Edouard Nalbandian ait rappelé les dérages de l’Azerbaïdjan sur les engagements pris lors des réunions trilatérales avec la Russie, les deux ministres ont salué l'état actuel des relations politiques et économiques entre leurs pays.

Westerwelle a réaffirmé le soutien de son pays pour l'intégration de l'Arménie dans l'Union européenne à travers le programme du partenariat oriental. Ainsi, Berlin est particulièrement intéressé à aider au renforcement de la primauté du droit en Arménie avec différents programmes d'aide. "Cela est essentiel pour le développement durable du pays en matière de développement économique," a-t-il souligné.

* Brève Etats-Unis *

Les membres du Congrès américain ont publié une déclaration pour commémorer les victimes de pogroms des nationalistes azerbaïdjanais de 1988 à 1990 contre la population arménienne vivant dans la république. Les Représentants Frank Wolf (R-VA), Judy Chu (D-CA), David Cicilline (D-RI), Anna Eshoo (D-CA), Adam Schiff (D-CA), Howard Berman (D-CA), Brad Sherman (D-CA), Michael Burgess (R-TX), Frank Pallone, Jr. (D-NJ), Robert J. Dold (R-IL), et Jim Costa (D-CA) ont condamné les atrocités, et ont réitéré que les crimes contre l'humanité ne doivent pas passer inaperçus, et de déclaré :

"Du 26 au 29 Février 1988, une semaine après que la première manifestation pacifique pour la liberté ait eu lieu à Stepanakert, les autorités azéries ont organisé et commis des massacres de la population arménienne dans la paisible ville de Soumgaït, située à des centaines de miles du Haut-Karabakh. Etant impunis, c’est devenu le précurseur pour d'autres épisodes sanglants d’un fascisme anti-arménien, faisant des dizaines de morts innocents dans Kirovabad, Mingechaur, Bakou et ailleurs en Azerbaïdjan. Par manque de réaction de la part des autorités soviétiques de Moscou, les atrocités ont rapidement dégénéré pour se transformer en une agression militaire de grande envergure contre l'Artsakh. Les événements de 1988 - 1990 ont révélé le niveau de haine de l'Azerbaïdjan contre le peuple arménien."

Les membres du Congrès se sont dit préoccupés par l’accumulation militaire continuel et un bellicisme permanent de l'Azerbaïdjan, ce qui portera atteinte à la stabilité régionale et mettra en péril les efforts internationaux pour trouver une solution au conflit du Karabakh.

Le Représentant de la RHK aux Etats-Unis, Robert Avédissian, a remercié les membres du Congrès de leur soutien pour la liberté de l'Artsakh. Dans sa lettre, Avédissian a souligné que la déclaration faite par les membres du Congrès américain pour commémorer les victimes des atrocités, avec des centaines de civils innocents torturés à mort juste pour être Arméniens, envoie un signal fort aux auteurs que "le racisme et les actes génocidaires n'ont pas de limitation de temps."

* Brève Iran *

La position de l'Iran sur le conflit du Haut-Karabakh reste inchangée : "le règlement du conflit n'est possible que par le dialogue. La politique de l'Iran a toujours été basée sur la mise en place d’efforts de médiation en vue d'un dialogue entre les parties en conflit, l'établissement d'une paix durable et la stabilité dans la région. Comme seul pays partageant une frontière commune avec la zone de conflit, la République islamique d'Iran se déclare préoccupée par l'escalade des tensions régionales et les incidents continuels sur la ligne de contact," a déclaré dans un communiqué l'ambassade de la République islamique d'Iran en Arménie.

* Brève France *

Un groupe de français d’origine arménienne, dont Charles Aznavour, le Maire-adjoint de Marseille, Didier Parakian, les producteurs Lévon Sayan et Alain Terzian, ainsi que d'autres personnalités, ont publié une déclaration soutenant le candidat à la présidentielle et président sortant, Nicolas Sarkozy.

"Nous, Français d'origine arménienne, engagés dans la vie civique et conscients de nos droits et devoirs, souhaitons soutenir la candidature de Nicolas Sarkozy à l'élection présidentielle des 22 Avril et 6 mai. Notre pays est confronté à une crise mondiale sans précédent, et il est plus que jamais essentiel pour le chef de l'Etat de poursuivre ses efforts pour conclure les réformes, en proposer de nouvelles et de renforcer les positions de la France sur la scène internationale. Suite à la décision par le Conseil constitutionnel, et la déception qu'elle a provoqué, nous nous félicitons de la décision de Nicolas Sarkozy de préparer un nouveau texte pour le soumettre à la nouvelle législature."

Rappelant qu'ils sont les descendants des victimes du génocide de 1915 perpétré par le gouvernement Jeunes-Turcs, ils ont renouvelé leurs remerciements les plus sincères au Président Sarkozy pour son engagement indéfectible dans la lutte contre le négationnisme, qui est une insulte à la mémoire des victimes, une menace pour leurs descendants et les compteurs des valeurs fondamentales de notre République. Ils ont également salué l'engagement continu de Nicolas Sarkozy en faveur du renforcement des relations entre la France et l'Arménie, ces deux «pays frères» unis par l'histoire.

"Nous l'encourageons à continuer à travailler activement pour promouvoir un règlement juste, pacifique et durable du conflit du Haut-Karabakh, fondé sur l'autodétermination de son peuple. Dans notre histoire, jamais un Président de la République n'a fait preuve d'un engagement sincère à notre cause, une compréhension profonde de nos attentes, et un désir tout aussi fort d’y répondre."

Ndlt : autant un artiste peut soutenir le candidat qu’il souhaite, autant un ambassadeur plénipotentiaire de la République d’Arménie [en l’occurrence en Suisse et auprès de l’UNESCO] est contraint au droit de réserve dans une élection. A quel moment l’ambassadeur de la chanson française laisse-t-il la place à l’ambassadeur tout court et vis versa ?

* Brève Allemagne *

Après qu’un hélicoptère militaire turc se soit écrasé en Afghanistan tuant au moins 12 soldats turcs et cinq civils afghans, dont deux enfants, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a annulé son voyage de samedi à Bochum (Allemagne) où il devait recevoir le prix de «la tolérance et l'humanité».


Des dizaines de milliers de personnes ont tout de même manifesté contre l'attribution du Prix Steiger pour l'Europe à M. Erdogan. Le prix devait lui être décerné en tant que représentant du peuple turc pour "50 ans d'amitié turco- allemande".

Parmi les manifestants, étaient également présents des Allemands d’origine arménienne, kurde et alévis dont les slogans qualifiaient cette remise de prix de "gifle au visage de toutes les minorités en Turquie." Sept manifestations différentes ont été enregistrées par la police ce jour là.

L'ancien chancelier allemand Gerhard Schröder devait faire l’éloge de M. Erdogan lors de la cérémonie. Il a été critiqué pour avoir accepté de cette tâche, dans une lettre ouverte signé de l'écrivain Ralph Giordano qui indiquait que Schröder ne devrait rien faire tant que M. Erdogan refusera de reconnaître le génocide des Arméniens de 1915.

* Brève Turquie *

Ragip Zarakolu, l’éditeur d'Istanbul et champion des droits humains de renom, a collaboré avec l'Institut Zorian pour ajouter une pierre de plus à la fondation d'un corps commun de connaissances pour les Turcs et les Arméniens. Zarakolu, malgré qu’il soit emprisonné depuis Octobre 2011 pour ses essais sur l'Union des Communautés du Kurdistan (KCK), n’a pas cessé ses efforts pour faire ressortir la vérité historique sur le génocide arménien.

Le 12 Janvier, la maison d'édition Zarakolu - Belge Yayinlari, a publié Alman Belgeleri Ermeni Soykımı 1915-1916 : Alman Dışişleri Bakanligi Siaysi Arşiv Belgeleri,  l'édition turque de - Génocide arménien de 1915 à 1916 : Documents des Archives politiques du Bureau allemand des Affaires étrangères, compilé et édité par Wolfgang Gust, et publié d’abord en Allemagne.

Le livre allemand a été le produit de près de dix ans de recherches consacrées à l'édition et la traduction, supervisées par Wolfgang Gust et Sigrid. Il s'agit d'une vaste sélection de quelque 218 télégrammes, lettres et rapports des fonctionnaires consulaires allemands de l'Empire ottoman envoyé au Bureau des Affaires étrangères à Berlin et décrivant le déroulement du génocide des Arméniens.

Ce nouveau livre fait partie du projet à long terme, "Création d'un tronc commun de connaissances". Il y a un besoin pour la Turquie d’avoir des informations officielles de cette époque, sur son histoire refoulée. L'Institut Zorian s’est efforcé d’aider au recollement d’informations pour combler ce besoin grâce à la recherche scientifique systématique, la publication d’informations incontestables sur le génocide arménien en turque et dans d’autres les langues, et une large distribution en Turquie et ailleurs. D'autres documents et publications analytiques commandés par l'Institut Zorian dans le cadre du "tronc commun de connaissances" comprennent les ouvrages : Hitler et le génocide arménien (Editeurs Belge) et le Jugement à Istanbul (Bilgi University Press).

La traduction en turc et la publication de documents allemands ont été très difficiles et ont pris sept ans. Faire face à la langue diplomatique allemande et au cryptage Sütterlin de la Première Guerre mondiale étaient particulièrement difficiles, et le texte en préparation en langue anglaise devrait clarifier de nombreux passages.

**  Le coin des experts et des analystes

* Politique de l’Occident par Alexander Rahr

"Le véritable objectif de la tournée du ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, dans le Sud-Caucase a été de révéler l'attitude des trois pays sur la question iranienne ; voir les scénarios politiques possibles en Azerbaïdjan au cas où l'Ouest lancerait des opérations militaires anti-iraniennes ; ainsi que les possibilités d’ouvrir des bases de l'OTAN en Azerbaïdjan et en Géorgie," a déclaré l’expert Alexander Rahr.

"L'Allemagne en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies a une responsabilité particulière en ce qui concerne la question iranienne. Dans ce contexte, l'ONU peut prendre des décisions extrêmement cruciales nécessitant une action urgente contre l'Iran ou un resserrement des sanctions. Je considère la visite de Guido Westerwelle  en Azerbaïdjan absolument justifiée. Il faut vérifier les points de vue des voisins de l'Iran" a souligné le politologue.

Le ministre allemand des Affaires étrangères avait indiqué que son pays continuera à soutenir les sanctions contre l'Iran jusqu'à ce que la question nucléaire soit résolue. Ainsi, la République islamique peut quitter son isolement et la levée des sanctions uniquement par la reprise des négociations et en coopérant à la fois avec la communauté internationale, mais aussi avec l'AIEA. L'Allemagne est contre l'utilisation par l'Iran de l'énergie nucléaire à des fins militaires et compte poursuivre la politique de sanctions avec le reste des partenaires de l'UE, et ce, tant que l'Iran n’abandonnera pas son programme nucléaire.

* Politique de l’OTAN par Chahan Kandaharian

Le rédacteur en chef du quotidien Aztag de Beyrouth, Chahan Kandaharian, a commenté la déclaration du Représentant spécial pour le Caucase du Sud et l’Asie centrale du Secrétaire général l'OTAN, que l'Alliance atlantique n’avait pas l’intention de s’immiscer dans le règlement du conflit du Haut-Karabakh, confirmant ainsi que le Groupe de Minsk de l’OSCE restait le seul format possible pour la résolution des conflits.

Il a relevé que le développement des relations Arménie-OTAN était lié à l'évolution des relations OTAN-Iran, le but de l’Occident étant d'isoler au maximum la République islamique dans la région. Le rédacteur en chef a indiqué que la fermeture de la frontière et l'absence de relations diplomatiques avec son voisin la Turquie, l'un des premiers États membres de l'Alliance, étaient un problème majeur dans les relations Arménie-OTAN, vu que par ailleurs, la Turquie continue de saper le développement de liens entre l’Arménie et l’OTAN.

M. Kandaharian a également relevé que les Accords militaires avec la Russie sont un obstacle majeur à l’entrée de l'Arménie dans sa sphère d'influence.

Compte tenu des aspirations ouvertes de la Géorgie et de l'Azerbaïdjan à adhérer à l'OTAN, l'éditorialiste pense que l’Arménie reste un secteur clé pour l'activité l'OTAN dans la région du Sud-Caucase ; et de citer que les déclarations de l'Alliance confirment le rôle irremplaçable du Groupe de  Minsk de l'OSCE dans le maintien de la partie azérie dans les pourparlers.

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Extrait de Armenialiberty, de Radiolour et de PanArmenian