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Traduction
Gérard Merdjanian – commentaires
Depuis que le groupe de Minsk de l’OSCE a été créé en 1994,
les trois pays coprésidents – Etats-Unis, Russie et France - se sont bien
gardés d’intervenir directement dans le différend. Dans aucun de leurs communiqués
ou déclarations - que ce soient ceux émanant des présidents des trois pays, de leurs
ministres des Affaires étrangères, ou tout simplement de leurs trois représentants
sur le terrain, les médiateurs, – ils n’ont jamais cherché à comprendre le
pourquoi du différend, se contentant systématiquement de rappeler les normes
internationales et les principes généraux d’Helsinki. Leur mandat consiste à être
que des médiateurs, à ne pas juger les parties et surtout, à ne pas stigmatiser
l’une ou l’autre des parties.
Pire, depuis l’arrivée au pouvoir d’Ilham Aliev et
l’accession de son pays comme exportateur de pétrole et de gaz vers l’Occident,
les médiateurs sont encore plus réservés dans leurs déclarations officielles
les rendant encore plus inodores et incolores. Tout le monde est traité sur le
même pied d’égalité, il n’y a ni bon ni méchant. Quant aux violations du
cessez-le-feu, il faut croire que c’est une vue de l’esprit de la partie
arménienne, puisqu’à chaque fois que des observateurs de l’OSCE sont dépêchés
sur la ligne de contact aucun incident n’est relevé. Peut être ne faudrait-il
pas annoncer officiellement qu’une tournée d’inspection va se dérouler.
Cela me rappelle, toute proportion gardée, quand
j’effectuais mon service militaire et qu’on annonçait la visite d’un haut
gradé, la caserne devait être nettoyée de fond en comble : cour,
bâtiments, chambrées, sans oublier les WC. Aussi, tout était clean le jour J.
Cela ne choque non plus personne, qu’une fois sur deux les
azerbaidjanais n’amènent pas les Observateurs sur la ligne de contact et se
contentent de les promener sur les lignes arrières. Quant aux coprésidents,
entendre Bakou refuser de retirer ses snippers, refuser d’augmenter le nombre
et la fréquence des missions d’observations par le non vote du budget ad hoc, le
voir se surarmer plus que nécessaire, tenir des discours bellicistes, ou
refuser toute idée d’indépendance suite à une autodétermination de la
population du Haut-Karabakh, ne semble pas les gêner outre mesure.
Si, le plus important pour les médiateurs est que
l’Azerbaïdjan ne se lance pas dans une nouvelle guerre, rien n’empêchent les grandes
puissances par la voix de leur président de mettre en garde les uns et les autres,
et plus particulièrement les autres, des risques d’une nouvelle guerre, voire
en utilisant des arguments autres que verbaux, sur l’octroi de subventions par
exemple.
En attendant, Ilham Aliev, fort de ses pétrodollars,
poursuit sa politique de harcèlement, et au cas où les coprésidents ne se
montreraient pas gentils, voire mielleux, avec lui, il est même prêt à revoir
sa politique vis-à-vis de l’Occident. Le
fait d’avoir nommé l’Azerbaïdjan, pays hautement démocratique,
au Conseil de Sécurité de l’ONU, et de lui en donner la présidence, est probablement
monté à la tête de son président.
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* Brève
OSCE *
Suite à la violation le 30 Avril du cessez-le-feu par des
soldats azéris sur la frontière Arméno-Azerbaïdjanaise, un Représentant du Bureau
du Président de l'OSCE en exercice, Christo Hristov, accompagné de Irjie Aberle, s’est rendu sur place, près du
village de Berkaber dans la région de Tavouch.
Les deux observateurs ont également visité le village de Dovegh
et consigné par photos et vidéos les traces du bombardement de la localité par
l’armée azérie le 25 Avril dernier.
Puis ils se sont rendus à l'endroit où trois militaires
arméniens ont été tués le lendemain. Ils ont soigneusement examiné et pris des
photos de la carcasse de la voiture mitraillée sur la route d’Aygepar, et entreposée
près de la prison militaire de Pert.
Bien évidemment aucun incident ni aucun tir n’a été relevé
durant l’inspection. Ce comportement des Azerbaidjanais appelle une série de
questionnements :
Cette volonté [des observateurs] marque une fois de plus le
début de pourparlers sans fin qui souligne "la
nécessité de maintenir le cessez-le-feu" : - Des marches à
suivre avec aucun destinataire précis - Combien de nouveaux appels pour une
résolution pacifique du problème ? –Jusqu’à quand les médiateurs et la
communauté internationale fermeront –ils les yeux sur les acquisitions massives
d'armes par l'Azerbaïdjan ? - Est-ce que l'Azerbaïdjan poursuivra ses actes
subversifs ? - Abattre des soldats arméniens par les snippers azéris porte-t-il
un caractère systématique ? - Les écoles maternelles seront-elles de nouveau bombardées
? - Quand la communauté internationale trouvera-t-elle assez de courage pour donner
le nom du réfractaire, l'exhortant à déposer les armes ? - Prendra-t-elle un
jour des mesures efficaces ? - Appellera-t-elle un jour [Bakou] à mener de véritables
négociations, pour éviter de voir Aliev se défiler au dernier moment, comme il
l’a fait à la rencontre trilatérale de Sotchi [Août 2011] ?
L’avenir nous le dira ...
* Karabakh
*
Communiqué du
ministère des Affaires étrangères de la RHK sur les événements de fin Avril
- début Mai 1991.
"Des
détachements spéciaux de la police du ministère des Affaires intérieures de
l'Azerbaïdjan (OMON), avec l'appui de troupes du ministère de l'Intérieur de
l'URSS, ont lancé une opération de grande envergure punitive dénommée ‘Anneau’,
dont le but consistait à chasser la population arménienne de la région (oblast)
autonome du Haut-Karabakh, du district de Chahoumian, et de certaines régions du
Nord de l'Artsakh (Khanlar, Dachkesan, Kedabek, et des régions de l'ex-Chamkhor
de la RSS d'Azerbaïdjan).
Résultats de l'opération,
des dizaines de colonies arméniennes ont été complètement dévastées, détruites et
repeuplées par des Azerbaïdjanais. Des dizaines de milliers de personnes ont
été déportées, et des centaines d’autres tuées. L’opération ‘Anneau’ s’est
caractérisée par une cruauté sans précédent et des violations en masse des
droits de l’homme entrainant une augmentation considérable du niveau de tension
dans la région et transférant le conflit du Karabakh sur un plan militaire.
Le rapport de la
Mission de la CSCE du 28 Février 1992 a noté que "l'escalade particulièrement grave a eu lieu en Avril-Mai 1991, lorsque
l'armée soviétique, avec l'appui des unités du ministère de l'Intérieur azerbaïdjanais,
ont déportés les Arméniens de nombreux villages de la région. Et que la
déportation a été réalisée avec une extrême cruauté."
Les événements qui
ont eu lieu pendant cette opération - et qui ont été relatés dans les documents
de certaines organisations internationales, ont fait l’objet d'audiences à la
Commission des droits de l'homme du Soviet suprême de la Fédération de Russie
et ont abouti aux mêmes conclusions que celles des résolutions du Parlement
européen et du Sénat américain.
Le Centre des Droits
de l’homme du Mémorial Association Moscou a déclaré : "Ils ont violé de manière flagrante le droit de toute personne à
la vie, à la liberté et à la sécurité ; ils ont torturé, procédé à des
arrestations et à des détentions arbitraires, et commis des infractions contre
les nombreux biens. La pratique de l'expulsion des gens a acquis un caractère
de masse. Particulièrement cyniques, ces infractions ont été commises contre des
civils par les forces de l'ordre. La responsabilité en incombe à la direction
supérieure de la République d'Azerbaïdjan, au Ministère l'Intérieur de
l'Azerbaïdjan, au Comité pour la Sécurité d'Etat (KGB), ainsi qu'à la direction
du ministère de l’Intérieur de l’URSS, du Ministère de la Défense et au
commandement des troupes spéciales de l'URSS (MIA). Ces crimes jettent
également une ombre aussi sur les cadres supérieurs de l'URSS."
Le 1er mai 1991, le
Sénat américain a adopté à l'unanimité une résolution condamnant les crimes
commis par les autorités de l'URSS et de l'Azerbaïdjan contre la population
arménienne. La résolution a, en particulier, condamné "les attaques sur des hommes, des femmes et
des enfants innocents du Haut-Karabakh, sur des colonies arméniennes voisines
et sur l’Arménie, l'utilisation à grande échelle de la force militaire et de
tirs sur la population désarmée sur les frontières orientale et méridionale de
l'Arménie," et réitère les appels "pour mettre fin aux blocus et à d'autres formes de force et de terreur
contre l'Arménie et le Haut-Karabakh."
Le 25 mai, un projet
de déclaration sur la situation dans certaines régions de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan
a été présenté à la session du quatrième Congrès des députés du peuple de la
Fédération des Républiques socialistes du Soviet Russe (RSFSR) ; après
examen, il a été approuvé par une majorité écrasante. La déclaration indique,
en particulier, que "conformément
aux normes internationales en vigueur et aux conventions sur les droits de
l'homme, la déportation de civils doit être immédiatement arrêtée, les otages
doivent être libérés, et les suspects doivent être transférés au Bureau du
Procureur de l’URSS aux fins de poursuites."
Cependant, les
crimes commis pendant l'opération ‘Anneau’ n'ont pas obtenu une bonne
évaluation politique et juridique de la part de la communauté internationale,
et les organisateurs et les exécuteurs sont restés impunis. Cela a créé un
précédent pour l'Azerbaïdjan pour de nouvelles infractions militaires et des
actions inhumaines dirigées contre la population pacifique arménienne.
Les réfugiés sont toujours
dans l’incapacité de retourner dans leurs foyers et n'ont reçu aucune compensation
à ce jour.
Malheureusement,
nous devons aussi attirer l’attention des observateurs que les villages
arméniens ainsi abandonnés pendant l'opération ‘Anneau’ ne sont mentionnés dans
aucun des documents proposés par les médiateurs internationaux [du groupe de
Minsk de l’OSCE] pour le règlement du conflit du Haut-Karabakh."
* Brèves Azerbaïdjan
*
De source non officielle, l'Azerbaïdjan aurait transféré
trois prisonniers de guerre arméniens vers un pays tiers.
Le chef de la Commission chargée des prisonniers de guerre,
des otages et des personnes disparues, Armen Kaprielian, a indiqué n’avoir aucune
information officielle sur cette question.
"Basé sur le
droit international humanitaire (DIH), le nom du pays tiers n'a pas été encore donné
suivant les intérêts de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan. Les questions seront
abordées par les organisations internationales humanitaires, y compris par le
Bureau du Médiateur," a souligné M. Kaprielian.
(...)
L'Azerbaïdjan, qui ne cesse de violer le cessez-le-feu, a
dépassé les bornes, en ayant recours à sa méthode préférée : le chantage.
"L'Azerbaïdjan
peut repenser sa position pro-occidentale et se réaligner avec ‘un nouveau bloc’
s’il n'obtient pas davantage de soutien, particulièrement en ce qui concerne le
conflit de Haut Karabakh. Les pays de la mer Caspienne veulent que l'Europe et
les Etats-Unis exercent une pression sur l'Arménie," a déclaré le
directeur du Département des Affaires étrangères de l’administration du
président Aliev, Novruz Mammadov.
Et de souligner que : "l'Azerbaïdjan a déjà reçu une proposition pour rejoindre une
autre union politique. Nous ne prêtons pas attention à ces propositions pour le
moment. Mais si ça continue comme ça, nous pourrions revoir notre position dans
cinq à dix ans. Nous attendons de l'aide de l'Occident sur la question du
Karabakh. N’oubliez pas que 35% des approvisionnements de l'OTAN en Afghanistan
sont mis en œuvre à travers l'Azerbaïdjan."
Il ne reste plus qu'à faire des prévisions sur le ‘nouveau
bloc’ et voir quelle sera la réaction de l'Occident face au chantage azéri.
Entre-temps, l’Europe et les États-Unis sont susceptibles
d'avaler une autre pilule amère de Bakou. Ils peuvent promettre au gouvernement
azerbaïdjanais d'exercer des pressions sur l'Arménie, et poursuivre
publiquement les négociations, en espérant que le problème soulevé par la déclaration
azérie sera ‘résolu’ d’une façon ou d’une autre. Toutefois, il n'est pas exclu
qu'une nouvelle guerre marque le début de la fin de l'Azerbaïdjan.
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Extrait de Radiolour
et de PanArmenian