L’OTAN maintient son cap au Sud-Caucase


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Traduction Gérard Merdjanian – commentaires

Bien que les rapports entre l’Arménie et l’OTAN soient amicaux - grâce notamment à la présence de soldats arméniens sur les théâtres de l’Alliance (Bosnie, Irak, Afghanistan), ils n’en sont pas cordiaux pour autant. A cela plusieurs raisons.

Dans les années qui ont suivi l’éclatement du bloc soviétique, en 1999 trois pays de l’Europe de l’Est rejoignent l’OTAN – la Hongrie, la Pologne et la République tchèque – suivis en 2004 de sept autres : Estonie, Lettonie, Lituanie, Bulgarie, Roumanie, Slovaquie et Slovénie. Alors que trois pays de l’ex-URSS – Ukraine, Géorgie et Moldavie – demandent instamment à rejoindre l’Alliance, Moscou se rappelle aux bons souvenirs des Occidentaux en Aout 2008 avec la guerre d’Ossétie du Sud.

A la suite de quoi, nombre de pays de l’ex-Union soviétique doivent se contenter d’une adhésion au Partenariat de la Paix - qui compte aujourd’hui 22 pays.

Des trois pays du Sud-Caucase, seule l’Arménie maintient des liens forts avec la Russie, liens non seulement économiques mais aussi militaires suite au blocus exercé par la Turquie et l’Azerbaïdjan, mettant en jeu sa survie économique mais surtout sécuritaire. Ce qui explique pour partie son adhésion dès 1992 à l'Organisation du Traité de Sécurité Collective, qui faisait suite au Pacte de Varsovie devenu caduque, à laquelle d’ailleurs la Géorgie et l’Azerbaïdjan ont adhéré jusqu’en 1999.

L’OTAN ne compte pas modifier sa position sur l’Arménie, et notamment prendre en compte le principe du droit à l’autodétermination des peuples, pour deux autres raisons bien précises.
-      La première, c’est que la Turquie, membre depuis 1952, qui est et a toujours été un fidèle soutien de l’Alliance face au bloc soviétique et maintenant base incontournable dans les guerres au Moyen-Orient, voit d’un très mauvais œil toute déclaration susceptible de contrarier les visées de Bakou.
-      La seconde, toute déclaration et/ou action susceptible de contrecarrer l’influence de Moscou dans la région est la bienvenue. Aussi, insister sur l’intangibilité des frontières permet d’amadouer la Géorgie et l’Azerbaïdjan qui ont maille à partir avec les régions sécessionnistes, mais surtout de se ménager l’avenir en cas de forte dégradation des relations irano-occidentales, en utilisant ces pays comme base arrière. Sans compter que l’Alliance n’apprécie que faiblement les liens arméno-iraniens, même s’ils sont essentiellement économiques.

Quant au devenir du Haut-Karabakh, comme disait Antoine de Saint-Exupéry : "Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible."



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Le 19 mai, le ministre arménien des Affaires étrangères, Edouard Nalbandian, est arrivé à Chicago pour participer à la réunion des pays contribuant à la Force de Sécurité International d’Assistance (ISAF) en Afghanistan.

Le même jour, avec sa collègue Héranouche Agopian, ministre de la Diaspora, il a rencontré des représentants de la communauté arménienne de Chicago ; environ 400 personnes étaient présentes.

Le ministre Nalbandian a transmis les salutations du président Serge Sarkissian, et a déclaré :

"Le Sommet de l'OTAN a lieu à Chicago, et notre président a été invité à participer à la réunion des pays contributeurs à l’ISAF en Afghanistan, qui se tient en marge du Sommet.

Le projet de déclaration du Sommet comprend des formulations générales et une évaluation commune sur le règlement des conflits dans le Sud-Caucase et en Moldavie. Depuis la déclaration de Lisbonne, des changements ont eu lieu - changements que l’on trouve dans les déclarations des coprésidents du Groupe de Minsk de l'OSCE, et exprimées à maintes reprises par les présidents des États-Unis, de la Russie et de la France lors de réunions du G8. La formulation retenue sur le Haut-Karabakh [par le Sommet] ne correspond pas aux déclarations et aux décisions adoptées ces dernières années dans le cadre de l'OSCE.  Cela risque non seulement de causer des dommages au processus de négociation sur le règlement du conflit du Haut-Karabakh, mais risque également de mettre en péril la fragile situation dans la région, en particulier dans le contexte de la croissance des dépenses militaires de l'Azerbaïdjan et de la rhétorique belliqueuse de son président.

Compte tenu de ces préoccupations, le Président de l'Arménie a pris la décision de ne pas participer à la réunion de Chicago."

Le ministre Nalbandian a présenté les priorités de la politique étrangère de l'Arménie, le processus de règlement du conflit du Karabakh et a souligné l'importance de la reconnaissance internationale et la condamnation du génocide arménien. Il a évoqué les résultats des élections législatives en Arménie, et a indiqué l'importance du rôle des Arméno-américains dans le renforcement de la coopération Etats-Unis-Arménie et de la contribution de la diaspora dans le développement de l'Arménie.

(...)

A l’issue du Sommet, la déclaration conjointe stipule en effet :

" (…) La persistance de conflits régionaux de longue durée dans le Sud-Caucase et en Moldavie continue d'être un sujet de grande préoccupation pour l'Alliance.

(…) Concernant tous ces conflits, nous exhortons toutes les parties à s'engager de manière constructive et avec une volonté politique renforcée dans la résolution pacifique des différends, et de respecter les cadres actuels de négociation. Nous les appelons tous à éviter les mesures qui compromettraient la sécurité régionale et la stabilité.

(…) Nous demeurons engagés dans notre soutien à l'intégrité territoriale, à l'indépendance et à la souveraineté de l'Arménie, de l'Azerbaïdjan, de la Géorgie, et de la Moldavie, et nous continuerons également à soutenir les efforts visant à un règlement pacifique de ces conflits régionaux, basé sur ces principes, sur les normes du droit international, sur la Charte des Nations Unies, et sur l’Acte final d'Helsinki."



(…)



Le 21 mai, s'exprimant devant les pays membres de l’OTAN et les représentants des 50 pays participant à l’ISAF, le chef de la diplomatie arménienne a réitéré l'engagement de l'Arménie à poursuivre sa participation aux efforts internationaux en vue de l'établissement de la sécurité et de la paix en Afghanistan.



"(…) des mesures positives pour assurer la sécurité en Afghanistan sont évidentes. Cependant, il ne fait aucun doute que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour rendre ce processus irréversible.



Malheureusement, tous les jours nous assistons au fait qu’il est impossible de surmonter la période de transition en douceur. Les forces destructrices empêchent l'établissement de la paix, de la stabilité et de la sécurité en Afghanistan.



Les efforts de la communauté internationale doivent être ciblés sur la prévention des actions destructrices des forces terroristes, non seulement en Afghanistan, mais aussi partout dans le monde. Nous avons vu les résultats de celles-ci dans notre région et nous savons ce que cela signifie."



Le ministre Nalbandian a souligné en outre la nécessité d'assurer des changements positifs en Afghanistan pour empêcher le pays de devenir une source de préoccupations pour les pays voisins et autres États. En clôturant son discours, il a souligné que l'Arménie continuera sa contribution même après le retrait prévu d’Afghanistan de l’ISAF en 2014.



* Brève OTSC *

"Tous les membres de l'Organisation du Traité de sécurité collective (OTSC) porteront une assistance appropriée à l'Arménie en cas d'actes hostiles envers elle," a déclaré le Secrétaire général de l'organisation Nikolaï Bordiuzha, lors d'une conférence de presse ; et d’ajouter : "Il s'agit d'un format. Tout le reste sont des détails."

La déclaration a été faite en réponse à la question d’un journaliste azéri qui demandait si la Russie et les Etats membres de l'OTSC, dont l’Arménie fait partie, sont prêts à soutenir l'Arménie et le Haut-Karabakh si l'Azerbaïdjan, qui n’est pas membre, décidait de résoudre le conflit ayant recours à la force.



* Brève Arménie *



Le 22 mai, le Vice-ministre arménien de la Défense, Achod Hovakimian et l'ambassadeur américain, John Heffern, ont signé un accord de coopération entre le Service de sécurité nationale d'Arménie et le ministère américain de la Défense portant sur la sécurité des frontières et la prévention de la prolifération des armes de destruction massive.



L'accord vise à détecter et à prévenir le transport illégal à travers l'Arménie d'armes de destruction massive, les technologies et les matériels, la formation de spécialistes, ainsi que l’envoi de conseillers techniques en Arménie et la coordination de leur activité.



* Brève FIDH – Azerbaïdjan *

Avant l'Eurovision (22 - 26 mai 2012), la Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) et le Centre des Droits de l’Homme d'Azerbaïdjan (HRCA) ont publié un document d'information sur la détérioration de la situation des droits de l'homme en Azerbaïdjan.

"L'Azerbaïdjan a été le théâtre d'une vague de protestations pacifiques en 2011: Mars et Avril ont vu des centaines de manifestants dans les rues qui réclamaient des réformes démocratique et le respect des droits de l'homme. Les manifestants ont utilisé les réseaux sociaux, notamment Facebook et les blogs pour mobiliser les partisans. Les autorités azerbaïdjanaises ont essayé de supprimer ces signes naissants de contestation populaire avec une nouvelle vague de répression et d'intimidation, et de façon spectaculaire en exerçant une pression croissante sur la société civile. Les militants et les opposants au gouvernement ont été réprimés et arrêtés dans le sillage de ces manifestations, 15 personnes sont encore en détention.

Avec les tentatives par les autorités pour contenir le ‘printemps arabe’ azerbaïdjanais, l'oppression politique a augmenté dans le pays au cours de la dernière année, en réponse aux protestations populaires. Cette période a été marquée par des violations de la liberté des médias, de la liberté d'association et celle de manifester, aggravées par l'absence d'indépendance et d'impartialité de la magistrature, ce qui a facilité les abus judiciaires. Comme le régime tente de faire taire ses détracteurs, l'espace pour la liberté d'expression est considérablement réduit.

Un an après le début de cette vague de protestations en Azerbaïdjan, les tensions restent fortes avec des manifestations régulières.

Le 1er Mars dernier, des milliers de personnes se sont rassemblées lors d'un rassemblement non autorisé devant le bâtiment gouvernemental de la région de Quba, exigeant la démission du gouverneur Rauf Habibov. La manifestation a tourné à l'émeute, et plusieurs bâtiments ont été endommagés et incendiés. Le gouverneur de Quba a été limogé le lendemain, et au moins huit manifestants et des journalistes ont été arrêtés et poursuivis. Moins d'une semaine plus tard, le 6 Mars, une manifestation pacifique organisée dans le centre de Bakou, a été violemment dispersée par la police, et plusieurs manifestants arrêtés et battus."

* Le coin des experts *

* Ilya Gerol

"Seule une Arménie économiquement forte peut obtenir la résolution du conflit du Karabakh, à travers une assistance ciblée de la diaspora. La diaspora arménienne doit jouer un rôle vital dans la mise en place d'investissements dans les infrastructures du pays," a déclaré le journaliste canadien et Président de MIG (Compagnie de Consulting International), Ilya Gerol.

Il s’est élevé en faux contre le mythe d’un Azerbaïdjan étonnamment riche maintenant et possédant une énorme armée dotée d’armes russes et israéliennes.

Parmi les raisons qui empêchent l'Azerbaïdjan de s’engager dans un nouveau conflit militaire, M. Gerol cite la polarisation de la société azérie, ainsi que la présence d'un rival sérieux : l'Iran.

"Les deux parties ont raison dans ce conflit : l’une sur un plan historique, l'autre sur un plan formel. Ce problème couve un vaste potentiel pour se transformer en une confrontation énorme et imprévue de forces," a-t-il souligné.

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Extrait de Radiolour et de PanArmenian