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Traduction Gérard
Merdjanian - commentaires
C’était la moindre des choses que la Secrétaire d’Etat
américaine se déplace dans la région vu toutes les situations à risques qui s’y
trouvent : Le problème iranien, le problème syrien, le problème irakien
qui n’est toujours pas réglé, les relations de la Turquie avec ses voisins
immédiats ou non, sans compter bien évidemment le plus ancien de tous le
problème palestinien.
A ce jour, bien que les problèmes des pays du Sud-Caucase ne
soient pas prioritaires, il n’en demeure pas moins qu’ils risquent de
déstabiliser la région. La Géorgie et l’Azerbaïdjan lorgnent sur les
territoires perdus, espérant toujours pouvoir les récupérer un jour. Si pour
Tbilissi les jeux sont faits - on ne s’attaque pas impunément à la Russie,
Bakou a la ferme conviction que le Haut-Karabakh lui reviendra un jour.
Seulement voilà, le Conseil de Sécurité de l’ONU n’ordonnera
jamais à ses membres d’envoyer des militaires guerroyer dans cette région, tout
au plus il enverra des casques bleus pour maintenir la paix. Les expériences
irakiennes, libyennes et afghanes lui ont servis de leçon, il suffit de
regarder ce qui se passe pour la Syrie.
Que reste-il pour les dirigeants azéris ? Faire la
guerre avec leurs armes sophistiquées en espérant que les pays musulmans,
Turquie en tête, leur prêteront main forte. C’est une colossale erreur
stratégique, car ni la Russie, ni les Etats-Unis ne laisseront le potentat de
Bakou jouer avec le feu et déstabiliser la région. Des oléoducs et des gazoducs
détruits ne sont dans l’intérêt de personne et certainement pas des Occidentaux.
Quant à vaincre l’armée arménienne, c’est loin d’être gagné, d’autant qu’Erevan
a des accords militaires avec Moscou et les membres du OTSC(1).
Donc il reste au camarade Aliev à multiplier les accrochages
aux frontières que ce soit celle avec la RHK ou celle avec l’Arménie. Ce qui ne
l’empêchera pas de prêcher la guerre à sa population, fustigeant l’ennemi
arménien, histoire de détourner son attention des problèmes intérieurs.
(…)
Les dirigeants arméniens avaient prévenu, ils répliqueraient
aux attaques azéris si celles-ci causaient des victimes innocentes. L’assaut
mené dans la région de Davouch en est le parfait exemple. Dans les heures qui
ont suivis la mort de trois soldats arméniens et la blessure de cinq autres,
cinq soldats azerbaidjanais ont perdus la vie.
Voir en fin d’article comment les médias arméniens et azéris
ont rapporté les faits.
"Vérité en deçà
des Pyrénées, erreur au-delà." (Blaise Pascal)
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Quelques heures avant son arrivée à Erevan, les soldats
azéris avaient violé le cessez-le-feu tuant trois soldats arméniens et blessant
cinq autres dans la région de Davouch au Nord-est de l'Arménie.
Suite à l’attaque azérie, la Secrétaire d'Etat Hillary Clinton s’est
déclarée très préoccupée par l'instabilité dans le Haut-Karabakh. Elle a
indiqué que la mort de jeunes soldats et de civils innocents est «absurde» et
que la force ne peut pas résoudre un conflit de deux décennies.
Mme Clinton a averti que ces tensions ont la capacité de se
transformer en un conflit beaucoup plus vaste et que ce serait tragique pour
toutes les parties concernées. "La
force ne peut pas résoudre le conflit. Les Etats-Unis continueront à travailler
avec la France, la Russie et d'autres dans leurs efforts de médiation."
Les Etats-Unis soutiennent le règlement du conflit du
Karabakh sur la base des principes de Madrid, et notamment le non-usage de la
force, le droit des peuples à l'autodétermination et l'intégrité territoriale.
Comme la Secrétaire d'Etat va prochainement rencontrer le
chef de l’Etat azéri, Ilham Aliev, elle compte
insister sur cette question.
Toutefois, à la question d’un journaliste arménien suite aux
provocations de Bakou sur la ligne de contact, concernant la possibilité de ré-adopter
l'amendement de l'article 907 du ‘Freedom Support Act’ interdisant l'aide
américaine à l'Azerbaïdjan, elle n’a pas souhaité apporter de commentaires.
Au cours de sa rencontre avec les journalistes, la Secrétaire
d'Etat s’est dit contente d'être à nouveau en Arménie et a salué l'accueil
chaleureux qu'elle a reçu. "Aujourd’hui,
en regardant en arrière le chemin parcouru, nous pouvons évaluer ce qui peut
être fait à l'avenir."
Elle a également souligné l'intérêt des États-Unis à des
réformes, en particulier dans les secteurs fiscal et douanier. "Je crois en l'avenir prometteur de
l'Arménie."
(…)
Dans sa conférence de presse conférence conjointe avec le
ministre Edouard Nalbandian, la Secrétaire d'Etat a fait
l'éloge de l'Arménie pour les dernières élections législatives et a réaffirmé
le soutien fort de Washington pour une normalisation inconditionnelle des
relations turco-arméniennes. Mme Clinton a déclaré en substance :
"Nous sommes
heureux de voir l'Arménie continuer à travailler pour renforcer ses institutions
démocratiques, pour promouvoir la transparence, faire progresser les droits
d'une presse libre, s’attaquer aux racines de la corruption, faire respect les
droits universels et les libertés.
J'ai été très
heureuse des rapports des observateurs internationaux lors des élections
parlementaires du mois dernier, généralement compétitives et inclusives, où les
candidats ont pu faire campagne pour la plupart, sans ingérence. Certes, il y a
eu quelques problèmes qui ont été identifiés, et nous espérons que l'Arménie
travaillera avec l'OSCE et d'autres organismes pour veiller à ce que la
prochaine élection soit encore meilleure."
Hillary Clinton a également salué les efforts du
gouvernement arménien pour améliorer l'environnement dans les Affaires intérieures.
"Nous sommes heureux que
l'Arménie ait progressé et nous l’encourageons à poursuivre dans cette voie. Je
suis convaincue que l'énergie du peuple arménien poussera l'économie du pays et
nous nous réjouissons d'être votre partenaire en cela."
Dans un nouvel élan sur l'image internationale de
Sarkissian, la Chef de la diplomatie américaine a de nouveau approuvé le point
de vue officiel d'Erevan que la Turquie doit cesser de lier la ratification des
Accords de normalisation signés en 2009 à la résolution du conflit du
Haut-Karabakh.
"Nous
soutenons fermement la ratification des protocoles Turquie-Arménie sans
conditions préalables. Nous félicitons l'Arménie et le Président Sarkissian
pour le leadership dont ils font montre sur cette question. Comme je l'ai dit
quand je suis venue ici il y a deux ans, la balle reste dans le camp de la
Turquie."
Mme Clinton a en outre précisé que les Etats-Unis resteront
"très actifs" dans les efforts internationaux visant à améliorer les
liens turco-arméniens et la fin du conflit du Karabakh.
"Il n'y a
aucun lien entre le processus des protocoles de normalisation et celui des
négociations sur le Haut-Karabakh, ce sont deux sujets séparés. Mais nous
sommes également engagés sur les deux, et poussons fortement pour tenter de
parvenir à une résolution pacifique du conflit du Haut-Karabakh
Les Etats-Unis
continueront à jouer un rôle actif dans le règlement de ces deux questions.
Nous espérons que, finalement, les frontières dans le Sud-Caucase vont s'ouvrir
et que la coopération régionale sera établie."
Dans sa réponse, le ministre des Affaires étrangères, Edouard
Nalbandian, a déclaré :
"Plus d'une
fois, nous avons exprimé notre approche commune sur la normalisation des
relations arméno-turques. Cette position a été et demeure inchangée : une normalisation
des relations sans conditions préalables. Vous avez apporté une contribution
exclusive à ce processus. Malheureusement, la balle continue de rester dans le
camp turc.
Je réfute les
déclarations des dirigeants turcs suggérant que les négociations sur un rapprochement
Erevan-Ankara sont toujours en cours. À ce jour, les négociations sont gelées. Les
pourparlers avaient abouti à la signature des deux protocoles. La Turquie n'avait
pas le droit de poser des conditions préalables après coup. Les relations
doivent être normalisées sans conditions préalables, cela découle de l'intérêt
de la communauté internationale."
Visiblement satisfait, Edouard Nalbandian a parlé d’une "approche commune" de Washington
et d’Erevan pour la normalisation des relations turco-arméniennes, un objectif
politique clé des États-Unis dans la région.
Il a indiqué que la précédente visite de Clinton coïncidait
avec le Jour de l'Indépendance des Etats-Unis, et que celle d’aujourd’hui
coïncide avec le 20e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux
pays. De même, il y a 20 ans, le Secrétaire d'État d’alors, James Baker, avait
souligné que pour l'Arménie le soutien des États-Unis de la démocratie, était
un facteur d'unification.
Le ministre Nalbandian a également condamné l'incident
survenu sur la ligne de contact, le qualifiant de "provocation sauvage." Et d’ajouter : "Après avoir exacerbée la tension sur
la ligne de contact avec le Karabakh, l'Azerbaïdjan essaie maintenant
d'aggraver la situation sur la frontière arméno-azerbaïdjanaise, mettant ainsi
en danger le processus de négociation. "
(…)
Aussi bien que S.Sarkissian qu’E.Nalbandian ont salué l'état
actuel des relations américano-arméniennes, indiquant qu'elles ont "atteint un point culminant de
l'histoire." "Nous apprécions hautement le rôle des États-Unis dans
notre région," a complété le président arménien.
* Colère de l’ANCA *
Le Comité National Arménien d'Amérique (ANCA) a dépêché une
lettre urgente exhortant la Secrétaire d’ Etat à condamner fermement l’attaque lancée
par l'Azerbaïdjan dans la région de Davouch.
"L'agression azerbaïdjanaise,
le jour même de votre arrivée dans le Caucase, représente, outre une
douloureuse tragédie humaine pour les jeunes gens qui ont été tués et blessés,
une attaque sournoise sur les perspectives d'une paix juste et durable dans
cette région.
Il est grand temps
que l'administration Obama abandonne sa pratique de l'équivalence artificielle
- une politique qui a échoué, et dont la seule réponse à l'agression
azerbaïdjanaise et face aux menaces de reprise de la guerre a été d'émettre des
appels formulés de manière générique et d’une transparence édulcorée à toutes
les parties, à s'abstenir de toute violence," a
écrit en substance le président de l’ANCA, Ken Hachikian, dans sa lettre à Mme
Clinton.
* Réponse
du berger à la bergère *
Les médias arméniens
écrivent :
Un commando de 15 à
20 saboteurs azerbaïdjanais a tenté de pénétrer dans le territoire arménien
près du village de Voskepar dans la région de Davouch.
Le groupe a été
repéré et neutralisé grâce à la vigilance des soldats arméniens. Selon les
premières données, les pertes azerbaïdjanaises s’élèvent à cinq tués. Les
autres membres ont réussi à s'échapper, emportant avec eux les tués et les
blessés.
Les médias azéris
écrivent :
Les forces armées
arméniennes ont attaqué les positions azerbaïdjanaises dans la région de Ghazakh
ce matin. L’attaque de l'ennemi a été repoussée. On rapporte que les deux côtés
ont subi des pertes.
Le 5 Juin à 06h 30,
les efforts du groupe de saboteurs arménien pour pénétrer les positions
azerbaïdjanaises dans le village Ashagi-Eskipara dans la région Ghazakh, ont échoué
et ils ont du reculer laissant des pertes ; indique le ministère
azerbaidjanais de la Défense.
Suite à l’accrochage,
quatre soldats des forces armées azerbaïdjanaises ont été tués. Un autre soldat
azerbaïdjanais a été tué à la suite du feu ouvert des hauteurs dans la région
de Ghazakh.
(…)
"Les
tentatives des forces armées arméniennes pour compliquer la situation sur la
ligne de front sont liées avec la visite du Secrétaire d'État Hillary Clinton
dans la région. La tension créée par l'Arménie sur la ligne de front n'est pas
accidentelle, elle rentre dans le cadre de sa politique insidieuse. Ces actions
ne sont pas aléatoires.
Si nous
considérons les cinq dernières années, on voit que les pourparlers sérieux sur
le Haut-Karabakh, les entretiens entre les présidents, échouent chaque fois. La
partie arménienne travaille à l'encontre du régime du cessez-le-feu. Elle lance
des opérations sur la ligne de front pour que cela soit discuté dans le
processus de négociation. Si la partie arménienne détériore la situation, c’est
pour faire pression sur Mme Clinton en présentant la partie azerbaïdjanaise
sous un jour noir et exercer un chantage sur l'Azerbaïdjan.
Sachant que ses
niveaux économiques, politiques et militaires sont beaucoup plus faibles que ceux
de l'Azerbaïdjan, Erevan cherchera pour la variante militaire de la résolution
du conflit du Haut-Karabakh à ce qu’elle soit toujours rejetée dans le
processus de négociation, ce qui permettra à l'Arménie de maintenir le statu
quo. En exacerbant la situation sur la ligne de front, l’Arménie joue avec le
feu," a déclaré le député Bahtiyar Sadigov.
***
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Extrait de
Armenialiberty, de Radiolour et de PanArmenian
(1) : Organisation du Traité de Sécurité Collective