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Traduction
Gérard Merdjanian – commentaires
Ceux qui attendaient des nouveautés en seront pour leurs
frais. Washington, bien avant l’arrivée de la Secrétaire d’Etat, avait annoncé déjà
la couleur :
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Aucun changement à attendre concernant la
reconnaissance du génocide arménien par les Etats-Unis,
-
L’Arménie et la Turquie doivent finaliser
l’Accord signé en 2009 sur la normalisation des relations en la faisant
ratifier par leur parlement respectif,
-
L’Arménie et l’Azerbaïdjan doivent trouver
rapidement un terrain d’entente concernant le Haut-Karabakh en se basant sur
les propositions des trois coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE, lesquelles
découlent de l’Acte final d’Helsinki et des normes internationales. Le statu
quo actuel doit déboucher sur un Accord-cadre.
Les événements de ces derniers jours aux frontières
arméniennes et de l’Artsakh, n’ont rien changé au discours de Mme Clinton, si
ce n’est qu’elle a rappelé l’un des principes de base, à savoir : le
non-usage de la force.
Certes ce qu’elle a dit aux deux présidents, arménien et
azerbaidjanais, n’a pas été divulgué, par contre ce qui est sûre, c’est la
position d’Erevan et de Bakou sur le sujet. Les Arméniens refusent absolument
le retour du Haut-Karabakh en région autonome aussi grande soit-elle, les
Azéris refusent toute notion d’indépendance pour le Haut-Karabakh.
Le clan Aliev a voulu profiter de cette visite pour ‘faire pression’
sur les Etats-Unis par des échauffourées sur la ligne de contact, tant côté Arménie
que côté Karabakh, pour montrer que cette situation de ni-guerre ni-paix ne
peut perdurer ; et tant pis si les victimes côté azéri étaient plus
nombreuses.
N’oublions pas que pour le clan Aliev aller guerroyer au
Haut-Karabakh est un problème de politique interne, alors que s’en prendre à l’Arménie
est effectivement une violation du cessez-le-feu. Alors pour ‘faire pression’ c’est
le territoire arménien qui est visé.
Le rêve secret du mini potentat est de pousser l’Arménie à
la faute, c'est-à-dire provoquer l’escalade de la violence puis stigmatiser les
Arméniens devant la communauté internationale, ce qui permettrait de faire
traiter le problème du Karabakh par d’autres instances que le Groupe de Minsk
de l’OSCE, lequel est souvent accusé d’incompétence.
Si les Turcs, ottomans ou azéris, sont de bons diplomates,
ce sont de piètres stratèges. Penser que, parce que les Occidentaux n’interviendront
pas militairement dans la région, ils peuvent se permettre de violer le
cessez-le-feu et se surarmer tout azimut, c’est vite oublier que la Russie n’est
pas l’Occident.
Jouer avec le feu à proximité des conduits de gaz et de
pétrole, est faire preuve d’une grande imprudence, ou pire d’une grande
inconscience.
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Dans la nuit du 5 Juin, un commando azerbaïdjanais réussi à s’infiltrer
dans l'une des positions de défense de l'Artsakh. L’attaque a été repoussée
mais les deux côtés ont subi des pertes lors du bombardement. Le sergent Vartan
Ohanian a été tué et les soldats Araïk Mavreyan, Volodia Tsatrian ont été blessés.
Le 6 Juin à 17:00 les forces armées azerbaïdjanaises ont
fait une autre incursion près de Chambarak, dans la province de Gegharkunik.
La vigilance des militaires arméniens a permis de stopper
l’attaque. L’ennemi s’est retiré laissant des pertes. Il y a pas eu de victimes
côté arménien.
(…)
"La perte de
chaque soldat est la perte de toute la nation. Chacun d'entre nous pleure la
perte de concert avec les familles des tués, Je l'ai dit à maintes reprises que
les provocations sur la ligne de contact sont extrêmement dangereuses. J'ai dit
aussi que cela entrainera une réponse sévère. Les incidents récents sont en
sont la preuve," a déclaré le président arménien Serge Sarkissian.
"Soit ces
provocations sont ordonnées par les dirigeants azerbaïdjanais et dans ce cas
ils sont personnellement responsables d’avoir enfreint les engagements
internationaux de l'Azerbaïdjan, ou bien les forces armées de ce pays sont hors
du contrôle des l’Etat-major, et dans ce cas nous avons à faire face à des militaires
indépendants, et non à une armée régulière."
"Nous n'avons
aucune raison de recourir à la force, car nous considérons que les négociations
sont le seul moyen pour la résolution du conflit, et la solution doit s’appuyer
sur le droit du peuple de l'Artsakh à l'autodétermination. Comme les
coprésidents du Groupe de Minsk ont déclaré à plusieurs reprises, il est
nécessaire de préparer les sociétés à la paix afin d'être en mesure d'avancer
vers la résolution finale. L’Azerbaïdjan continue de faire l'inverse, il
encourage la xénophobie et l’utilise comme outil pour détourner l'attention des
citoyens des questions nationales."
"Il est
particulièrement douloureux que ces actes de provocation aient lieu le jour
même où des intellectuels arméniens et azerbaïdjanais se réunissent à Moscou et
que la Secrétaire d'Etat des Etats-Unis visite la région."
"Nous ne
voulons pas aggraver la situation, mais nous n'allons pas laisser des citoyens arméniens
se faire tuer, que ce soit en Arménie ou au Haut-Karabakh. Les forces armées
ont été chargées de faire preuve de retenue et de vigilance, mais dans le même
temps de prévenir et de punir toute provocation venant du côté adverse. Je suis
convaincu que la communauté internationale et la population azerbaïdjanaise
sont conscientes du fait que le sang des tués pèse sur leur conscience."
(...)
Les autorités azerbaïdjanaises s'efforcent de concocter des
raisons lorsqu’ils ont des morts et des blessés lors d’opérations commandos.
Ainsi, selon elles, les soldats azéris se suicident à plusieurs, sautent sur
une mine, ou meurent dans un accident.
Ainsi le 6 Juin, les médias azéris ont rapporté qu'un soldat
de 19 ans a "sauté sur une mine."
Il est même arrivé qu’une dalle en béton soit tombée sur un
soldat azerbaïdjanais, le tuant net. Ce fut le cas dans la région d’Agstafa, et
son collègue fut blessé par "l'effondrement d’une dalle en béton" - Emin
Guliyev et Orkhan Huseynov sont morts, tandis que Elnur Kechalov est encore à
l'hôpital.
* Hillary
Clinton à Bakou *
La secrétaire d'Etat Hillary
Clinton s’est dite préoccupée par les tensions sur la ligne de contact
entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
"Je le
répète, il ne peut y avoir de solution
militaire au conflit du Haut-Karabakh. Nous nous efforçons de parvenir à un
accord pacifique. Il doit y avoir un Accord basé sur l’Acte final d’Helsinki.
J'essaie de faire tout mon possible pour parvenir à une résolution."
"J'exhorte les
présidents azerbaidjanais et arménien à travailler ensemble et à prendre les
mesures nécessaires pour l'établissement de la paix."
"Il doit être
mis fin à la violence. J'ai transmis la volonté des États-Unis au président
azerbaïdjanais pour favoriser le règlement du conflit."
"Une nouvelle
approche pour le règlement du conflit du Haut Karabakh sera présentée lors de
la réunion ministérielle du 18 juin à Paris. Nous voulons arriver à la paix
dans les plus courts délais. Il doit y avoir une solution au problème du
Karabakh," a-t-elle déclaré.
De son côté, le ministre Mammadyarov a indiqué que la
réunion avec Mme Clinton a été très productive, et que le règlement du conflit
du Haut-Karabakh a été longuement discuté. "Plusieurs
idées ont été exprimées sur les mesures à prendre pour réaliser des progrès
vers un règlement du conflit."
* Brève
Artsakh *
Le 6 Juin, Président de la République d'Artsakh, Bako Sahakian, a rencontré le
Représentant personnel du Président de l'OSCE en exercice, l'Ambassadeur Andrzej Kasprzyk.
La réunion a porté sur l'état actuel des négociations sur le
Haut-Karabakh, les perspectives ainsi que la situation le long de la ligne de contact.
Le président Sahakian a insisté sur les récentes violations
flagrantes du cessez-le-feu, les qualifiant de provocations visant à déstabiliser
la région et à saper les efforts des pays médiateurs. Il a demandé à son
interlocuteur de prendre des mesures ad hoc pour prévenir et/ou neutraliser un
tel comportement.
* Brève
Turquie *
"Nous suivons
les développements avec une profonde préoccupation", a déclaré le porte-parole
du Ministère des Affaires étrangères turc, Ünal
Selçuk, le mardi 6 Juin.
Parallèlement, le ministre de l'Intérieur turc Idris Naim
Şahin rencontrait à Ankara son homologue azéri, Ramil Usubov.
Toujours le 6 Juin, le chef des Armées de terre turques, le général
Hayri Kivrikoglu, rencontrait à Bakou ses homologues pour renforcer la
coopération militaire avec l'Azerbaïdjan. Déjà en Février, le chef d'état-major,
le général Özel Necdet, s’était rendu en Azerbaïdjan.
Du 19 au 22 Juin, c’est le contre-amiral Serdar Dulger qui se
déplacera à Bakou.
L’ensemble de ces visites déboucheront sur la signature de
14 accords.
*
Communiqué du Quai d’Orsay *
"La France,
coprésidente du Groupe de Minsk de l’OSCE, exprime sa profonde préoccupation
suite aux incidents violents sur la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan,
qui ont fait 8 morts au cours des derniers jours.
Il ne peut y avoir de solution militaire au
conflit du Haut-Karabakh
Les parties doivent
être pleinement engagées à mettre en œuvre un règlement pacifique fondé sur le
respect des principes de la Charte des Nations Unies et l’Acte final
d'Helsinki, notamment sur le non-usage de la force, l'intégrité territoriale et
le droit des peuples à l'autodétermination.
Une autre réunion
entre les ministres des Affaires étrangères de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan avec
les coprésidents du Groupe de Minsk est prévue le 18 Juin à Paris afin de
poursuivre les négociations. Nous nous préparons à cette réunion," déclare dans un communiqué le ministère français des Affaires étrangères.
* Déclaration
de Moscou *
"La Russie
est préoccupée par les tensions croissantes sur la ligne de contact entre
l'Azerbaïdjan et les troupes arméniennes. La Russie considère comme inacceptable
une nouvelle escalade et continuera d'aider les parties à parvenir à un
règlement pacifique. En tant que coprésident du Groupe de Minsk de l’OSCE et
médiateur dans le règlement du conflit du Karabakh, la Russie exhorte les
parties à ne pas faire usage de la force," a indiqué le
porte-parole du ministère des Affaires étragères russe, Alexander Loukachevitch.
Il a indiqué que la Russie espérait que la réunion des
ministres des Affaires étrangères de l'Arménie et l'Azerbaïdjan à Paris
permettra de soulager les tensions.
Il a rappelé que Moscou appelle toujours les parties à
adhérer la déclaration de Sotchi, qui stipule la nécessité de poursuivre pacifiquement
les pourparlers pour le règlement du conflit du Karabakh.
* Le coin
des experts *
* David Jamalian et
Artsrun Hovhannissian
"Pendant des
années, l'Azerbaïdjan a présenté la non-reprise de la guerre comme une
concession. L’Azerbaïdjan est bien conscient que la région ne tirera aucun bénéfice
d'une guerre prochaine, c'est pourquoi ils essaient d'utiliser l'astuce du ‘chantage
à la guerre’ pour vérifier la réaction de la secrétaire d'Etat américain,"
a déclaré le psychologue militaire, David
Jamalian.
"Une chose
est claire : le clan Aliev a besoin qu'une illusion de la guerre existe, car il
y a des problèmes à la fois extérieurs et intérieurs. Aliev essaie de les résoudre
de cette façon. Toutefois cette tension n’ira
pas jusqu’à reprendre la guerre, puisque l’Azerbaïdjan n'est pas prêt pour
cela. Néanmoins, les azerbaïdjanais poursuivront leurs provocations sur la
ligne de contact."
Plus difficile sera
notre réponse, et plus l'Azerbaïdjan gardera le silence, mais l'expert reste
confiant.
Selon l’expert militaire Artsrun Hovhannissian, condamner les déclarations des organisations
internationales pourrait également servir à restreindre les mécanismes.
Ainsi, la visite de Clinton a masqué un événement important qui
est passé inaperçu. "De Hauts
responsables turcs étaient en visite en Azerbaïdjan. Les actions commandos
étaient préparées par des militaires turcs ou des militaires azerbaïdjanais
formés en Turquie," a-t-il souligné.
Les deux experts considèrent que l’Arménie devrait donner une
réponse équivalente et très douloureuse à l’attention du public d'Azerbaïdjan pour
qu’il exerce une pression sur le clan Aliev.
* Novruz Mammadov
Le chef du Cabinet présidentiel azerbaïdjanais, Novruz Mammadov, a commenté les
échanges avec Mme Clinton sur le conflit
du Haut-Karabakh.
"Chacun des
deux côtés a exprimé sa position sur ce problème. Le Président Aliev a déclaré
qu'il attachait une grande importance à la coopération avec les États-Unis et qu’il
appréciait le développement de ces relations dans toutes les directions. En
outre, l'Azerbaïdjan s'attend à ce que les États-Unis jouent un rôle important
dans la résolution du conflit du Haut-Karabakh conformément aux justes normes
juridiques internationales. Bien sûr, le président azerbaïdjanais a noté avec
regret que bien que la démarche de Bakou, au sein du processus de négociation
en cours ces années, a toujours été de résoudre le conflit pacifiquement et par
des négociations, à chaque fois le côté Arménien a mis des bâtons dans les
roues, en élaborant des plans rusés, et en prenant des mesures insidieuses."
"Le président
des États-Unis, ainsi que les autres chefs d'Etats coprésidents du Groupe de
Minsk de l'OSCE [Russie et la France] qui ont fait des déclarations basées sur
ces négociations, a pris une décision importante à L'Aquila, à savoir que le
maintien du statu quo actuel est inacceptable."
"Toutefois,
ces déclarations sont encore inefficaces et le président azerbaïdjanais le
regrette. Mme Clinton a parlé des négociations de paix quand elle se trouvait en
Arménie. Elle en a reparlé à Bakou, et très probablement qu’elle abordera cette
question en Turquie. Je suis venu à la conclusion que les Etats-Unis veulent s’impliquer
plus activement dans ce processus. Pour cette raison, en écoutant plus attentivement
la position du président Aliev, elle [Mme Clinton] a déclaré la nécessité de
rechercher de nouvelles approches pour résoudre le conflit. Il est difficile de
dire ce que ces approches seront, mais si les mesures prises jusqu'à présent
n'ont pas donné de résultat, cela signifie qu'il devrait y avoir des demandes
et des approches nouvelles."
"Cette approche est le Statut le plus élevé qui
peut être octroyé au Haut-Karabakh au sein de l'intégrité territoriale de
l'Azerbaïdjan, mais que le statu quo actuel doit être changé."
"Le coprésident
américain du Groupe de Minsk, Robert Bradtke, assistait également aux réunions.
Je pense que la Secrétaire d'Etat a discuté de cette position avec lui et que,
sans doute, il fera une déclaration sur ce que seront les nouvelles approches,"
***
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Extrait de Radiolour
et de PanArmenian