***
Traduction Gérard
Merdjanian - commentaires
Après la petite phrase du ministre des Affaires étrangères azéri (1) qui donnait le ‘la’ pour les mois à venir, voici celle du président turc qui résume la position de son
pays : "(…) L'Azerbaïdjan libérera
tous les territoires occupés". Ce qui implique que non seulement
le processus arméno-turc de normalisation continuera de rester dans l’impasse
mais qu’Ankara est totalement solidaire de son alliée.
Le périple de la Secrétaire d’Etat américain, pourrait se
résumer à cette locution latine tronquée de Jules César : "Vini, Vidi," car il est
clair que son voyage n’avait
pas pour but de "Vici".
Les propos des dirigeants azerbaidjanais et ceux des dirigeants turcs n’ont
fait que confirmer les informations qu’elle détenait déjà, ce qu’ils l’ont confortée
en vue de la future stratégie des Etats-Unis dans la région. Washington n’a qu’une
confiance très limitée sur Erevan si la situation venait à se dégrader dans la
région. L’inverse est d’ailleurs également vrai.
Pensant que le problème iranien et surtout la mise en œuvre des
projets de gazoducs vers l’Europe, feraient pencher la balance américaine en sa
faveur, le clan Aliev a voulu forcer la main de Mme Clinton en créant une agitation
malsaine et meurtrière à la frontière arménienne. L’effet escompté n’a pas eu
lieu, et les communiqués, bien que généralistes, des pays coprésidents du
groupe de Minsk de l’OSCE et de l’UE, ont mis l’accent sur le non-usage de la
force, à charge pour l’intéressé de lire entre les lignes.
Tant que les grandes puissances continueront de fermer les
yeux sur les agissements du clan Aliev et que les pays musulmans (OCI) le
soutiendront, il n’y a aucune raison pour qu’Ilham cesse de jouer avec le feu
et ne règne en maitre absolu sur ses sujets.
***
* Commentaires de politiques *
* Vahan Chirkhanian
Parlant de l'augmentation du nombre d'incidents sur la ligne
de contact, Vahan Chirkhanian, ex Vice-ministre
de la Défense de 1992 à 1999, rappelle que la frontière n’a jamais été calme
depuis Décembre 1988, donc déjà de l'époque soviétique. Seuls les détails et
les objectifs ont changé aujourd'hui. Les événements de ces derniers jours sont
liés à la communauté internationale.
Il voit un certain progrès en ce qui concerne la perception
du conflit du Karabakh. Ainsi, l'Azerbaïdjan a gêné tous les programmes des
Etats-Unis d’amélioration, notamment : Nabucco, les aménagements de
Ceyhan et la voie ferrée Tbilissi-Kars.
"Nous avons à
faire face à un fou politique. On ne se lance pas dans une guerre sans
s’assurer de conditions préalables : d'abord, l’attaquant doit avoir une armée
puissante [et non seulement un surarmement], d'autre part, il doit être certain
que son adversaire est réellement plus faible, et troisièmement, il doit être sûr
que des sanctions internationales ne lui seront pas appliquées. Aliev n’a rien
de tout cela," a-t-il souligné.
Tous les politiciens estiment que, malgré la poursuite des tensions,
il n'y a pas de réelle menace de guerre.
* Khosrov
Haroutiounian
"Il ne fait
aucun doute que la partie arménienne doit donner une réponse équivalente aux actes
de sabotage azerbaïdjanais, tant sur le plan diplomatique que militaire,"
a déclaré le leader de l'Union Chrétien-Démocrate,
Khosrov Haroutiounian.
Quels sont les objectifs de ces actes commandos ? Pour le
député UCD, l'Azerbaïdjan n'est pas satisfait des possibles perspectives du
processus de négociation.
L'Arménie a déclaré que les principes de Madrid peuvent
servir de base pour des discussions, mais les résultats attendus sont insuffisants
pour la partie adverse. Ainsi, l'Azerbaïdjan cherche à tout prix à changer le
format des négociations. Clairement, l'Azerbaïdjan fait du chantage à la
communauté internationale. La communauté internationale doit comprendre que le
comportement de l'Azerbaïdjan constitue une menace immédiate pour toute la
région.
La partie arménienne doit utiliser tous les voies
diplomatiques pour faire adopter une telle résolution. Le député comprend que
ce n'est pas un travail facile, mais les actions dans ce sens doivent se
poursuivre. Il estime que la diplomatie parlementaire doit assumer sa part de
responsabilité.
Selon le commandant légendaire de la guerre de libération de
l’Artsakh, le Gal Arcady Ter-Tadeossian,
qui l’accompagnait à sa conférence, l'Azerbaïdjan cherche à semer la peur parmi
la population. Toutefois, Il reste confiant quant à une non-reprise de la
guerre, vue la non-préparation de l'Azerbaïdjan. "Si
la guerre reprenait, ils seraient de nouveau vaincus."
* Roland Kobia
En tant que chef de la délégation de l'UE en Azerbaïdjan, Roland Kobia a confirmait que le Président
du Conseil européen, Herman Van Rompuy, se rendra début de Juillet dans les
pays du Sud-Caucase. Il discutera des perspectives de règlement du conflit du Haut-Karabakh.
"Le président
de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et le Haut Représentant pour
les Affaires étrangères et la politique de Sécurité, Catherine Ashton, ont à
maintes reprises exprimé le souhait de l'UE d’intensifier son rôle dans la résolution
du conflit. Selon toute probabilité, M. Van Rompuy publiera une nouvelle déclaration
dans ce sens," a précisé Roland Kobia.
Il a exprimé ses préoccupations concernant l'escalade des
tensions sur la ligne de contact et l'augmentation du nombre de victimes. Il a
présenté ses condoléances aux familles des soldats qui sont morts dans ces
incidents.
"Cela prouve
la nécessité de prendre en compte les projets de l’UE sur des mesures de
confiance. Ces actions seront nécessaires pour inspirer la confiance et
favoriser la résolution pacifique du conflit."
Des sources indiquent que 20 à 25 soldats azerbaïdjanais auraient
été tués ces derniers jours dans des actions azéries à la frontière
arméno-azerbaïdjanaise dans la région de Davouche-Ghazakh. Le dernier tué en
date concernerait un certain Ramil Cabrayilov Dilavar qui se serait ‘noyé’ dans
la rivière Kur.
* Abdullah Gül
Lors d'une visite dans la province d’Iğdır, le président
turc a parlé du Caucase, suite à l’escalade des tensions sur la frontière
arméno-azerbaidjanaise.
"Une paix
durable doit être mise en place au Caucase. La Turquie entreprend tous les
efforts pour cela. L'Azerbaïdjan libérera
tous les territoires occupés. Les deux parties se pencheront par la suite
sur l'avenir de la région et tout le monde en admirera la beauté."
La déclaration d’Abdullah
Gül peut être considérée comme un soutien tacite à la rhétorique agressive
et prédatrice de l'Azerbaïdjan.
* Communiqué de la RHK *
"Les
informations diffusées par les médias azerbaïdjanais sur des actions militaires
lancées sur la ligne de contact par les forces armées du Haut-Karabakh en
direction d'Aghdam et de Fizuli, ne sont rien d'autre qu'un produit de
l'imagination. En réalité, les violations du cessez-le-feu ont considérablement
augmenté dans la nuit du 8 Juin, ce qui cependant, n'ont pas eu d'incidence sur
la situation générale," a déclaré dans un communiqué le ministère
de la Défense de la RHK.
*
* Commentaires
d’experts *
* Richard Guiragossian
"L'Azerbaïdjan
se prépare à déclencher une guerre en 2014. Le choix de la date va coïncider
avec le 20e anniversaire de l'Accord du cessez-le-feu, l’épuisement des
réserves pétrolières de l'Azerbaïdjan, ainsi que les Jeux Olympiques d’hiver de
Sotchi. L'Azerbaïdjan est intéressé par la réaction de la Russie. Ainsi, la
question est de savoir si la guerre va commencer avant ou après les J.O. Si
elle était déclenchée avant, les chances d’intervention de la Russie seraient
limitées car elle va devoir se préoccuper d’abord des Jeux et les projecteurs
seront braqués sur eux. Rappelons-nous de l’été 2008 quand la Géorgie a
déclenchée la guerre contre l’Ossétie du Sud au moment des J.O de Pékin,"
a déclaré le Directeur du Centre d’Etudes Régionales (SRC), Richard Guiragossian.
Cela dit, M. Guiragossian a indiqué que l'Azerbaïdjan n'était
actuellement pas prêt pour une guerre.
En réponse aux récentes attaques azéries sur la ligne de
contact, les pays coprésidents du Groupe de Minsk pourraient modifier le format
des négociations, ce qui permettra à la République du Haut-Karabakh de devenir
un membre à part entière.
"Nous allons
assister à des développements intéressants à Paris. La Secrétaire d'Etat
Hillary Clinton a promis de nouvelles propositions, voire sur le format,
l'objectif essentiel est de promouvoir l'activité du Groupe de Minsk de l'OSCE."
"A noter que
la Secrétaire d'Etat américaine n’a rien dévoilé des propositions. Elle n'aurait
jamais fait une telle déclaration sans se mettre d’accord avec la France et la
Russie. Je m'attends à ce que le nouveau format des négociations, invite la RHK
à la table des négociations comme membre à part entière. L’expérience de la
conduite des pourparlers de paix sur les conflits en Irlande du Nord et en
Palestine, prouve l'impossibilité de parvenir à un Accord sans la participation
de tous les intéressés dans le processus."
L’expert pense très improbable le remplacement de l'Arménie
par le Karabakh dans les négociations, car l'Arménie jouera toujours un rôle
important. En ce sens, il a critiqué la décision de l’ex-président Robert
Kotcharian de poursuivre les pourparlers avec l'Azerbaïdjan, sans la
participation de la RHK.
"Par ses
multiples attaques, l’Azerbaïdjan a eu pour objectif principal de marquer la visite
de Mme Hillary Clinton dans la région, ainsi que démontrer la faiblesse de
l'Arménie."
Le directeur du SRC a rappelé les mesures prises par Bakou
lors des événements tragiques du 1er Mars 2008 à Erevan, pour montrer
les faiblesses de l'Arménie. Et de noter que les attaques azéries ont commencé
après le refus du parti ‘Arménie Prospère’ de se joindre à la coalition.
"Bien que se
baser sur la faiblesse de la politique intérieure de l'Arménie soit absurde,
Bakou estime que c’est un facteur grave," a-t-il souligné.
* Nareg Galoustian
Le politologue Nareg
Galoustian ne prévoit pas de progrès dans le processus de rapprochement
turco-arménien dans un proche avenir.
L'expert a souligné la nécessité d'exercer une pression sur
la Turquie pour débloquer la situation,
notant que les Etats-Unis et l'Occident se sont essentiellement focalisés sur
le problème nucléaire de l'Iran et la situation en Syrie.
"L'Occident
ne veut pas que la Turquie modifie sa position sur les problèmes du
Moyen-Orient. Aussi attache-t-elle une grande importance au soutien d’Ankara à
ces questions."
Dans ce contexte, la déclaration de la Secrétaire d'Etat
américain, qui a souligné la nécessité de poursuivre les efforts de
réconciliation arméno-turques sans conditions préalables, n'affectera pas la
position de la Turquie sur le sujet.
***
*
Extrait de Radiolour
et de PanArmenian
(1) : "Malheureusement de tels incidents se produiront jusqu'à ce que le conflit soit résolu,"