Conflit du Karabakh : Une paix, mais à quel prix ?

 


 

***

 

Commentaires et Traductions de Gérard Merdjanian

 

***

 

Commentaires

 

***

 


Le président Ilham Aliev veut aussi la paix, mais ses cinq conditions ne correspondent pas tout à fait à celles de l’Arménie. Et notamment :

1 - Il n’a toujours pas reconnu la superficie de l’Arménie (29.800 km²) qui pour lui est à amputer de 145 km², qu’il occupe depuis l’automne 2020, auxquels il faut ajouter près de 50 km² d’enclaves datant de l’époque soviétique.

2 – Il veut que la liaison Azerbaïdjan-Nakhitchevan à travers le Syunik soit sous le contrôle de Moscou, c’est-à-dire en exterritorialité. Comme devait l’être la libre circulation dans le couloir de Latchine. On a vu ce que Bakou en a fait.

 

Pourquoi cet acharnement contre l’Arménie ?

 

La défaite de 1994 contre l’Arménie ayant entrainé la perte de l’Oblast du Nagorny-Karabakh (région autonome du Haut-Karabakh) lui est restée au travers de la gorge, et Bakou s’est juré de tout récupérer en éduquant sa jeunesse dans un esprit de vengeance et de racisme anti-arménien.

 

Digne héritier de Ponce Pilate, le groupe de Minsk de l’OSCE (Etats-Unis, France et Russie), chargé de la résolution du conflit Arménie-Azerbaïdjan, ne s’est pas spécialement démené pour ce faire, se contentant pendant vingt-cinq de visiter les uns et les autres, d’organiser des rencontres infructueuses, de prévenir la partie adverse de la date et du lieu du passage des observateurs de l’OSCE, et sortir périodiquement des communiqués génériques, sans jamais prendre position et désigner le fauteur de troubles.

 

Ce statu quo n’a fait qu’aggraver la situation. Bakou s’est surarmé grâce aux pétrodollars, au point qu’à l’automne 2020 il a déclenché avec l’aide de la Turquie une guerre contre le Haut-Karabakh récupérant les ¾ du territoire perdu et faisant 5.000 morts côté arménien. Poutine a sifflé la fin de la récréation au bout de 44 jours.

 

Avec la volte-face de Nigol Pachinian suite aux atermoiements de Poutine, puis par la guerre russo-ukrainienne de février 2022, la Russie s’est petit à petit désengagée du conflit Arménie-Azerbaïdjan et plus particulièrement de son devoir de surveillance du couloir de Latchine, reliant l’Arménie au Haut-Karabakh, par les soldats de la paix russes.

 

Ce changement de la politique russe n’est pas un hasard. C’est le résultat des accords, plus ou moins secrets, passés avec le tandem Erdoğan-Aliev concernant l’Arménie ; à savoir, étouffer Erevan économiquement en l’isolant géographiquement. Poutine assure ainsi des débouchés pour écouler son gaz et son pétrole, et maintient sa main mise sur la Syrie. Erdoğan, la mise en œuvre du rêve ottoman de relier par voie terrestre le monde turcique. Aliev, après avoir réglé définitivement le problème des Arméniens du Haut-Karabakh, entrevoit de s’accaparer du Syunik, et pourquoi pas de la moitié de l’Arménie. Le tandem Erdoğan-Aliev est quasiment assuré que Moscou n’interviendra pas en cas de conflit armé, malgré les accords militaires signés avec Erevan. Un front suffit pour Poutine.

 

Il aura fallu près de deux ans à l’Arménie pour se rendre compte que la Russie ne lèverait pas le petit doigt pour la défendre contre une nouvelle agression de Bakou. Conséquence, Erevan commence à s’équiper de matériel militaire auprès des Occidentaux et de l’Inde.

 

Quant aux Occidentaux, il aura fallu le nettoyage ethnique du Haut-Karabakh opéré par Aliev en septembre dernier pour s’intéresser un peu plus au sud-Caucase. Washington est suffisamment occupé par la guerre russo-ukrainienne, puis maintenant par celle de son fidèle allié, Israël. Donc son action consistera essentiellement à élever le ton, mais sans plus. L’UE sortira de nouvelles résolutions stigmatisant l’Azerbaïdjan, au mieux elle appliquera quelques sanctions à Bakou si il y a aggravation de la situation, mais pas plus. Seul Paris qui met les points sur les « i » concernant le comportement de l’autocrate azéri, lui vaut les railleries de Bakou et les injures des dirigeants azerbaidjanais.

 

Deux questions fondamentales restent posées.

 

Peut-on faire confiance aux paroles du potentat azerbaidjanais et surtout au respect de ses engagements ? Lorsqu’il dit « il n’y a pas de prisonniers de guerre arméniens en Azerbaïdjan », faut-il le croire ? Lorsqu’il dit que les Karabakhis sont des pollueurs, et donc qu’il était normal que des écologistes azerbaidjanais bloquent le couloir de Latchine, faut-il le croire ? Après avoir ramassé toutes les armes des Karabakhis, et déclaré « les Arméniens du Haut-Karabakh sont des terroristes, c’était normal que les militaires azerbaidjanais réagissent », ce qui a entrainé l’exode massif et forcé des Karabakhis vers l’Arménie, faut-il le croire ? A-t-il respecté le territoire souverain de l’Arménie après la guerre des 44 jours ? A-t-il respecté sa signature au bas de l’accord de cessez-le-feu du 9 novembre à Moscou en présence de Poutine et de Pachinian ?

 

Second item beaucoup plus grave. Quel sera l’avenir des Karabakhis qui voudraient retourner vivre sur leur terre ? Ils devront devenir des citoyens azerbaidjanais. Auront-ils les mêmes droits que les autres minorités ? Qui les protégera contre les exactions de la population azérie et surtout contre l’administration de Bakou ? La communauté internationale ? Des casques bleus onusiens ? Ilham Aliev ne tôlera plus sur son sol la présence des soldats de la paix russe et encore moins une présence étrangère. Il ne veut pas voir d’étrangers sur son sol, hormis son grand frère turc et son pourvoyeur en armements, Israël.

 

Et vous pensez vraiment que le dictateur se comportera « correctement » avec une minorité qui a osé parler de démocratie et mis en avant le droit à l’autodétermination des peuples, après lui avoir infligé une défaite cuisante en 1994 ? Faut vraiment être une démocratie occidentale pour le croire.

 

 

 

 

 

 

 

***

 

Traduction


Extrait de Radiolour, de PanArmenian, de News.amde APAainsi que de l’Union européenne. 


***

 

Arménie

 


« La volonté politique de l’Arménie de signer un traité de paix avec l’Azerbaïdjan dans les mois à venir reste inébranlable. L’Arménie ne peut pas signer ce traité seule, et pour cela, la signature de l’Azerbaïdjan est plus que nécessaire. Et dans quelle mesure la signature d’un traité de paix avec l’Azerbaïdjan est-elle réaliste avant la fin de l’année ou dans les mois à venir ? Les trois principes clés de la paix, en fait, ont été convenus avec l’Azerbaïdjan, et cet accord a été conclu au cours de nos négociations, en particulier lors des réunions tripartites tenues à Bruxelles les 14 mai et 15 juillet de cette année », a déclaré le Premier ministre Nigol Pachinian lors des discussions budgétaires à l’Assemblée nationale.

Suite


***

 

Union européenne

 


Le 15 novembre, à Bruxelles, le ministre des Affaires étrangères de l’Arménie, Ararat Mirzoyan, a prononcé une allocution lors de la 15e Assemblée annuelle du Forum de la société civile du Partenariat oriental. Extraits

 

« ()… En 2009, lors de son lancement, le partenariat oriental visait à renforcer les liens des partenaires avec l’UE et les États membres de l’UE sur la base de valeurs communes, à approfondir la coopération économique et politique et à soutenir le programme de réformes.

Suite


***

 

CIJ

 


La Cour internationale de Justice a indiqué aujourd’hui (17/11) à l’Azerbaïdjan les mesures provisoires suivantes :

 

Ainsi, l’Azerbaïdjan doit, conformément aux obligations qui lui incombent en vertu de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale :

 

-  - Veiller à ce que les personnes qui ont quitté le Haut-Karabakh après le 19 septembre 2023 et qui souhaitent y retourner puissent le faire en toute sécurité, sans entrave et rapidement.

Suite 


***

 

Etats-Unis

 


Le secrétaire d’État adjoint américain James O’Brien a indiqué mercredi 15 novembre à plusieurs reprises que Washington faisait pression pour qu’Erevan et Bakou signent un accord de normalisation dans « quelques semaines à quelques mois », tout en semblant remettre en question l’engagement de ce dernier dans le processus de paix.

 

S’exprimant lors d’une audition sur le Haut-Karabakh à la Chambre des Représentants, O’Brien a déclaré « le Premier ministre Nigol Pachinian semble prêt à prendre des risques pour la paix. La vraie question est de savoir si le président Ilham Aliev est prêt à le faire. Et il a dit qu’il l’était. C’est donc le moment. Mais tant que l’Azerbaïdjan ne montrera pas qu’il négocie de bonne foi, il n’y a aucune chance que les Affaires continuent comme d’habitude entre Washington et Bakou.

Suite

 

***

 

Grande-Bretagne

 


Le 13 novembre, à l’issue de la première réunion du dialogue stratégique entre l’Arménie et le Royaume-Uni à Londres, une déclaration commune a été adoptée, qui mentionne également la coopération en matière de défense entre l’Arménie et le Royaume-Uni. Extraits :

 

 

« Ce dialogue stratégique a été l’occasion de souligner la forte coopération et l’amitié entre nos deux démocraties. Face à l’augmentation des menaces qui pèsent sur les valeurs démocratiques, les droits de l’homme, l’État de droit et les libertés, nous nous efforçons de protéger nos citoyens, en travaillant ensemble sur des questions d’intérêt commun. Il est plus important que jamais non seulement de renforcer le commerce et la stabilité, mais aussi de protéger nos valeurs fondamentales communes. Nous avons réaffirmé notre ambition de construire notre partenariat au cours des prochaines années.

 

La coopération entre l’Arménie et le Royaume-Uni en matière de défense, qui continue de s’étendre avec l’augmentation du nombre de membres de l’armée arménienne, du ministère de la Défense et de la police (MOIA) recevant une formation en anglais, ainsi que des places dans des cours de commandement et de leadership supérieurs et subalternes du Royaume-Uni, ainsi que des programmes multinationaux de maintien de la paix et de sensibilisation aux mines.

 

Les ministres sont convenus de la nécessité absolue de l’établissement de la paix et de la stabilité dans le Caucase du Sud sur la base de la reconnaissance mutuelle de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’inviolabilité des frontières sur la base de la Déclaration d’Alma Ata de 1991, et de l’ouverture de liaisons de connectivité régionale sur la base du plein respect de la souveraineté et de la juridiction de chaque pays.

 

Le ministre de l’Europe a souligné l’engagement du Royaume-Uni à soutenir les personnes touchées par le conflit de longue date, notamment par le biais d’un financement d’un million de livres sterling au Comité international de la Croix-Rouge annoncé en septembre. »

 

***

 

Turquie-Azerbaïdjan

 


Le président Recep Tayyip Erdoğan a déclaré lors d’une conférence de presse le lundi 20 novembre, à l’issue d’une longue réunion du cabinet à Ankara, que l’Arménie doit travailler avec la Turquie et l’Azerbaïdjan pour construire la paix au lieu de se tourner vers l’Occident pour obtenir des armes et de la formation.

 

« Certaines puissances occidentales n’ont pas encore réalisé que la guerre du Karabakh a changé le Caucase et toute la région. Il est préférable pour le peuple et les dirigeants arméniens de rechercher la sécurité dans la paix et la coopération avec leurs voisins, et non à des milliers de kilomètres.

Suite

 

 

 

*

**

***

 

 

 

Extrait de Radiolour, de PanArmenian, de News.am, de APA, ainsi que de l’Union européenne.