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Commentaires
et Traductions de Gérard Merdjanian
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Commentaires
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Les dirigeants arménien et azerbaidjanais, respectivement Nigol Pachinian et Ilham Aliev, ainsi que leur ministre des Affaires étrangères, Ararat Mirzoyan et Jeyhun Bayramov, se sont croisés à Moscou au Conseil des ministres des Affaires étrangères de la CEI, puis à la réunion des chefs d’État., mais ne se sont pas rencontrés.
Il est vrai qu’ils n’ont
plus grand-chose de nouveau à se dire, chacun ayant explicité moult fois sa
position et ses attentes. La nouveauté, fort improbable, aurait pu venir du
président Poutine. Là aussi, depuis 2019 il n’a pas changé ses positions, au
contraire :
- - Vis
à vis de l’Arménie. Lorsque Pachinian a clairement annoncé sa préférence envers
l’Union européenne et l’Occident plutôt qu’envers les organisations chapotées
par Moscou, un relâchement certain des relations s’est installé, voire un
fort désintérêt ;
- - Vis
à vis de l’Azerbaïdjan. Vu les options choisies par Pachinian, il a donné tacitement
son feu vert à Ilham Aliev sur deux points. 1- pour qu’il agresse militairement
le Haut-Karabakh et récupère les ¾ du territoire dans une première étape,
laissant provisoirement aux Karabakhis leur capitale et le couloir de Latchine
vers l’Arménie, sous surveillance russe ; 2- pour qu’il occupe près de 200
km² de l’Arménie.
Après sa rencontre avec
Ilham Aliev en février 2022, et la signature d’une coopération alliée entre Moscou
et Bakou, le nouveau tsar est rentré en guerre contre l’Ukraine quelques jours
plus tard. Il a laissé le potentat azéri passer à la deuxième étape et terminer
le travail au Haut-Karabakh. Là aussi en deux temps : 1- Un blocus partiel
du cordon ombilical de Latchine pendant dix mois ; 2- Un nettoyage ethnique
total de ses habitants au motif qu’ils se livrent à des activités terroristes. Comme
d’habitude les Occidentaux ont poussé des cris d’orfraies mais aucune sanction
contre l’Azerbaïdjan. Il ne faut pas mélanger les serviettes russes et les
torchons azéris.
La question du
Haut-Karabakh étant réglée pour les deux autocrates, ils se sont rencontrés à
Bakou au mois d’Août dernier, lors de la visite d’Etat de Poutine. Ont
notamment été discutés l’achat de gaz russe et sa revente aux Européens, ainsi
que l’accord de paix avec l’Arménie. Bien évidemment rien n’a fuité du premier
point. Il ne fait aucun doute qu’Ilham Aliev s’est assuré de la neutralité de
Moscou sur les méfaits qu’il compte commettre prochainement envers l’Arménie.
En attendant, tous en
chœur mettent en avant la signature prochaine (???) de l’accord de paix. Pas un
seul pays n’est contre, qu’il soit ami ou ennemi. Mais comme à l’auberge
espagnole, chacun y apporte sa vision et donc ses demandes. Si pour les pays
occidentaux, cela se résume à « être conforme aux droits de l’homme, à la
démocratie, à l’État de droit et à la souveraineté de chacun »,
il n’en est pas de même pour les pays gravitant dans la région.
Commençons par le
principal concerné, l’Arménie, qui demande en plus « l’absence de revendications
territoriales les uns envers les autres et de ne pas présenter de telles revendications
à l’avenir ; du maintien du principe de non-recours à la force et à la
menace de la force ; de la non-ingérence dans les affaires intérieures de
l’autre partie. » Elle
est tellement pressée de signer, qu’elle est prête à faire de nouvelles
concession à Bakou.
La Russie demande « l’application pleine et entière de l’accord tripartite de cessez-le-feu du 9 novembre
2020 », même si
elle-même a failli sur plusieurs points. Comme Moscou tient à ménager la chèvre
et le chou, il maintient ses liens avec Erevan même s’ils sont distendus, et
compte resserrer encore plus ceux avec Bakou. Pour aider ce dernier, il fait
tout pour que Pachinian lui donne la maîtrise de la liaison
Azerbaïdjan-Nakhitchevan, lui laissant un droit de regard minimum.
La Turquie qui supervise
le travail de sape de son vassal, applaudit des deux mains et déclare « si Bakou est pleinement satisfait
de l’accord de paix, alors nous le serons aussi ». Ce qui sous-entend entre autre la
mise en œuvre effectives de liaisons terrestres entre l’Azerbaïdjan et le
Nakhitchevan ; et accessoirement l’accaparement
de quelques km² de territoire arménien. Ankara récompensera l’Arménie par la
réouverture de la frontière commune. La Turquie se moque éperdument des états
d’âme de Pachinian ; Lequel Pachinian, ne demande qu’à faire plaisir à
Erdoğan. Il a déjà supprimé de ses propos le vieux contentieux lié au génocide
de 1915. Ses maigres connaissances de l’histoire des Arméniens lui font dire
que la diaspora c’est la diaspora, et l’Arménie c’est l’Arménie. Les premiers
n’ont pas à interférer sur le travail du second.
L’Azerbaïdjan est la plus
exigeante, le diable se cache dans les non-dits. En attendant, à chaque fois
que l’Arménie cède sur un point, il se fait un malin plaisir d’ajouter une
nouvelle condition. 80% de points sont déjà convenus avec l’Arménie, mais les
20% qui restent sont les plus difficiles à réaliser. Dans les soi-disant
négociations, Bakou ne donne rien en échange sinon de vagues promesses. Au
mieux, il apposera sa signature au bas d’un document. On a vu la valeur
qu’Ilham Aliev attache aux morceaux de papier signés avec l’Arménie, les
promesses n'engagent que ceux qui y croient. Les propos qu’il tient avec son
entourage et devant sa population, n’augurent rien de bon. Le but avoué, c’est
le retour dans le giron azéri du Zanguézour occidental, c'est-à-dire 90% de
l’Arménie.
Depuis son accession au
pouvoir, le fils de Heydar Aliev a préparé dès l’école, les esprits à la
revanche contre l’ennemi séculaire : les Arméniens.
Les Karabakhis ont eu
l’outrecuidance en 1988 de demander leur rattachement à la RSS d’Arménie
conformément aux lois soviétiques en vigueur. Malgré les pogroms de 1988-90
exercés contre eux, ils ont persisté,
résisté, et se sont permis de mettre en place une ceinture de sécurité (les
sept districts) autour de la région autonome. Une audace punie qu’en 2020.
Aussi, mêlant le geste à
la parole, Ilham Aliev a commencé la destruction des vestiges arméniens situés
sur son territoire. Il a commencé au Nakhitchevan, en
détruisant
au moins 89 églises médiévales, 5.840 Khatchkars et 22.000 pierres tombales
historiques entre 1997 et 2006. L’UNESCO n’est pas intervenu, d’autant que Mme
Alieva Aliev s’est montrée généreuse envers les bonnes œuvres de
l’Organisation. Quand ils sont trop grands et/ou trop connus, l’autocrate les
attribue aux Albanais caucasiens (Aghvans), accusant les Arméniens de
faussaires.
Il n’est pas nécessaire
d’être un grand devin pour voir ce que trame le tandem turco-azéri. L’aveuglement
de Nigol Pachinian à vouloir signer rapidement un accord de paix, alors qu’en
face, Ilham Aliev fait tout pour retarder cette échéance, risque de nouveau, de
faire passer le dirigeant arménien pour le ‘dindon de la farce’, mais surtout
entrainer la population arménienne dans de nouveaux malheurs.
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Traduction
Extrait de Radiolour, de PanArmenian, de News.am, de Trend, et de APA
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Arménie
« D’une manière générale, en ce qui concerne la sécurité dans notre réalité, nous entendons d’abord l’armée, deuxièmement, l’armée et troisièmement, l’armée.
Mais la situation lorsqu’il s’agit de sécurité, si nous parlons d’abord de l’armée, deuxièmement, de l’armée, troisièmement, de l’armée, cela signifie qu’il n’y a pas de sécurité et qu’il ne peut pas y en avoir. L’armée, bien sûr, joue un rôle clé dans la sécurité, mais le rôle de l’armée dans la sécurité n’est ni premier ni secondaire. Je le répète : si c’est le premier et le deuxième, cela signifie que le système de sécurité n’existe pas et qu’il est complètement détruit.
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Russie
Les dirigeants arméniens et azerbaidjanais sont arrivés à Moscou pour participer à la réunion du Conseil des ministres des Affaires étrangères de la CEI, qui sera suivie de la réunion des chefs d’État.
Comme l’a indiqué la porte-parole du ministère arménien des Affaires étrangères, Annie Badalian, il n’est pas prévu de réunions entre Nigol Pachinian et Ilham Aliev, pas plus qu’entre les ministres des Affaires étrangères, Ararat Mirzoyan et Jeyhun Bayramov.
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Turquie-Azerbaïdjan
Les médias d’État azerbaïdjanais ont affirmé que les observateurs de l’UE utilisaient un équipement spécial pour surveiller le territoire de l’Azerbaïdjan et ont remis en question leur neutralité.
La mission de surveillance de l’UE en Arménie a rejeté les accusations de l’Azerbaïdjan selon lesquelles elle aurait fait preuve de « partialité » en faveur d’Erevan et de « préparation de provocations », les qualifiant d’infondées.
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Extrait de Radiolour, de PanArmenian, de News.am, de Trend, et de APA